Celles qui se taisent – Bénédicte Rousset

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Celles qui se taisent - Bénédicte Rousset
Editions LA TRACE

Celles qui se taisent est le nouveau roman de Bénédicte Rousset publié par les éditions La Trace mi mai. Bénédicte Rousset m’avait conquis l’an passé avec Romilda, un « pas totalement polar », un « pas entièrement roman » si bien écrit, si poétique, si sensible, si émouvant… Je suis donc ravi de la retrouver et j’ai pris un réel plaisir une nouvelle fois avec cette production.

Je remercie Bénédicte Rousset pour sa confiance et cette belle dédicace ainsi que les Editions La Trace pour l’envoi du roman.

IL faut vivre avec les conséquences dramatiques que ce fameux jour de décembre a entraînées. Mais elle n’y arrive toujours pas. La graine qu’elle a semée la persécute par le manque qu’elle lui inflige et ce nouvel acte clandestin lui jette à la face sa déroute maternelle.

Deux femmes aux destins liés

Caroline et Augusta sont deux femmes que tout oppose en apparence. Et pourtant …

L’une travaille pour l’autre ; l’une est « riche », l’autre ne l’est pas ; l’une est dans le travail l’autre dans l’apparence.

L’une est mariée, mais régulièrement seule. L’autre vit seule avec ses enfants. Les deux ont des vies bien remplies.

Les deux tombent enceintes durant la même période: joie pour l’une, malheur pour l’autre. Partageant la même chambre, les destins de Caroline et Augusta s’unissent à la suite d’un événement aussi dramatique que terrible.

Mais que s’est-il passé ? Quel est ce fait aussi rocambolesque qu’incompréhensible qui ne doit surtout pas être ébruité ?

Bénédicte Rousset nous plonge au cœur d’une enquête palpitante à propos d’un secret (trop ?) longtemps gardé.

On pense, à tort, qu’un amour, un vrai, peut mourir du jour au lendemain. C’est faux. Un amour meurt lentement, par ces petits riens qui le ravivent, en triturent la cicatrice, la rouvrent à force de taillader le même endroit. Ce sont les petits détails – une odeur, quelqu’un qui lui ressemble, un mot, un souvenir – qui le tuent et le font vivre à la fois. Quand cet amour revient nous voir, le coup de couteau est direct, profond. Une bise, quelques banalités, des mots gentils: voilà qui nourrissent, lui font croire qu’il existe, intact, alors qu’il n’est plus corps mais ombre.

Secret, construction, reconstruction …

Après avoir posé le contexte dans la première partie, un subtil et inattendu twist nous entraîne dans une enquête captivante à la recherche de la vérité passée.

Au centre de cette dernière se trouve Jean, l’enfant de Augusta. Le fils chéri dont le destin est tout tracé: il rentrera dans les ordres, il sera prêtre. Mais est-ce vraiment ce qu’il souhaite ? Doit-il faire plaisir à sa mère ou vivre sa vie ? Doit-il remiser ces envies ou à l’inverse les assouvir quoiqu’il advienne ? Comment être soi, comment se construire alors que son destin est tracé d’avance ?

Augusta a interdit, a protégé, a diligenté; la toute puissance de la mère qui donne l’impression de nager dans le bonheur.

A l’inverse, Caroline est tourmentée et tiraillée entre les faits et les actes, la vérité et les mensonges, l’impression donnée et les peines ressenties si bien mises en exergue par les cauchemars réguliers. Le lecteur ne peut qu’être sensible, ému, compatissant dans ce besoin de reconstruction de Caroline.

Les personnages « secondaires » ne le sont pas. On s’attache à Brieuc, on « kiffe » le franc parler de Elise. Ils occupent une vraie place dans l’intrigue et apporte un plus indéniable.

Bénédicte Rousset a son propre style d’écriture, si unique, si caractéristique. Elle confirme de la plus belle des manières toutes les qualités entrevues dans Romilda. Elle nous envoute et nous rend dépendant avec une grande facilité. Magistral.

Par où commencer ? Il faut prendre garde aux mots. Les mots, bien souvent, tailladent la pensée, la mettent en miettes ou au mieux l’altèrent, comme la chaleur transforme l’eau en vapeur et il ne reste alors plus qu’une ombre déformée de ce qu’on voulait dire. On peut regretter des mots, pas des pensées.

Une construction addictive

Si l’intrigue vous tient en haleine, c’est aussi et surtout grâce à l’écriture de Bénédicte Rousset. Le style est direct, épuré à l’instar du silence et très efficace. Il impulse un vrai rythme à l’intrigue. Il entraîne le lecteur dans une envie de plus en plus intense de connaître le fin mot de l’histoire tout en s’amusant avec lui, en le baladant sur de mauvaises pistes.

A l’inverse, la plume poétique, fluide, ciselée et en même temps très détaillée, très évocatrice lui enjoint de ralentir, de savourer. Elle incite également à s’interroger sur la vie, la religion, la tolérance, l’amour et d’autres sujets contemporains pour lesquels Bénédicte Rousset expose des remarques argumentées.

Le lecteur alterne entre émotion et impatience, entre compassion et introspection. Le silence est d’or… mais toute vérité doit-elle être cachée ? Un secret a-t-il vocation à être dévoilé ? La vie d’un enfant est-elle écrite d’avance ou façonnée par les événements, les rencontres, le destin … ? Oui le silence fait des ravages parfois, souvent…

Je souhaite également souligner l’intelligence du choix du titre: comment ne pas mettre en parallèle Celles qui se taisent avec notre monde où la communication est privilégiée, le buzz est recherché, où beaucoup ferait mieux de se taire ?

La meilleure façon de détruire un enfant, c’est de le préférer aux autres.

Vous ai-je convaincu que ce roman était incontournable ? Je l’espère très sincèrement tant Bénédicte Rousset mérite des louanges. Celles qui se taisent est un roman certes inclassable mais parfaitement maîtrisé et totalement réussi. Il m’a profondément marqué tant il est fort, passionnant et addictif.

Je suis non seulement conquis mais convaincu qu’il aura une très belle carrière. N’hésitez pas, connectez-vous sur le site internet des éditions La Trace ou rendez-vous chez votre libraire indépendant préféré pour vous procurer Celles qui se taisent.

Merci Bénédicte Rousset et surtout bravo!

Coup de coeur 5/5

Bénédicte Rousset a répondu aux questions de Nathalie Couderc fin avril lors d’une session passionnante de Un endroit où aller. Vous pouvez visionner l’interview ici.

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