Il reste la poussière – Sandrine Collette

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IlResteLaPoussière

Dans le cadre de mon partenariat avec les Editions Denoël, j’ai eu la chance de lire au mois de Janvier Il reste la poussière, le dernier ouvrage de Sandrine Collette. Cette fois, c’est un western bien noir dans la steppe de Patagonie argentine que nous propose l’auteur.

Je remercie Clélia et les Editions Denoël pour cet envoi.

La mère et ses 4 garçons – les jumeaux Mauro et Joaquin, le débile Steban et le petit Rafael – vivent à l’estancia, propriété qui ne vaut pas grand-chose. Sous le joug et l’autorité quasi militaire de la mère, ils élèvent moutons et bovins afin de survivre.

« Alors un à un ils s’exécutent – c’est le grand qui a obéit en premier, son allégeance sans faille à la vieille, même quand la colère bout, même s’il donne l’impression d’avoir des griffes qui le retiennent à la chaise tant il ne veut pas se lever ni sortir, mais Rafael opine également, la mère a ses raisons, elle ne se trompe pas, bien plus maligne qu’eux trois réunis, et lui aussi une force obscure le pousse à suivre les ordres sans réfléchir. Pourtant qu’il lui en veut, et qu’il ne comprend rien à ses façons de faire ! »

Rafael est le souffre-douleur de ses ainés. On apprend dans le prologue que ses frères jumeaux l’ont maltraité dans ses premières années, sous l’œil complice de la mère qui a laissé faire.

« La mère est son avenir, l’estancia sa destinée et son tombeau. Il ne veut ni réfléchir, ni répondre. Cela abîmerait trop de choses. Seul le bétail est important, et le travail de chaque instant, l’infinie répétition, lassante et rassurante, et même le galop des chevaux se ressemble de jour en jour, et le souffle des bêtes, et la lumière de l’aube sur la plaine. Envisagée ainsi, la vie n’a pas lieu de changer. Elle peut durer le temps de l’humanité, le temps de l’univers et des certitudes. Surtout ne pas se poser la question de Steban. Derrière, il y a le poison. »

Rapidement, on devine que la terreur et la violence sont les maitres mots de cette famille. La mère est détestable : méchante, sans cœur, sans instinct maternel, violente, alcoolique, secrète… Ajoutez-y la férocité des jumeaux, la dureté des éléments et vous obtenez une atmosphère oppressante, dérangeante.

« Elle les déteste tout le temps, tous. Mais ça aussi, c’est la vie, elle n’a pas eu le choix. Maintenant qu’ils sont là. Parfois elle se dit qu’elle aurait dû les noyer à la naissance, comme on le réserve aux chatons donc on ne veut pas ; mais voilà, il faut le faire tout de suite. Après, c’est trop tard ; Ce n’est pas qu’on s’attache : il n’est plus temps, c’est tout. Après, ils vous regardent. Ils ont les yeux ouverts. Et vraiment la mère t a pensé, mais elle a manqué le coche. Alors les jours où elle ne supporte plus les fils, elle se venge en se rappelant qu’elle aurait pu le faire. Elle les a eus à portée de main. Il n’y avait qu’à les lâcher dans l’eau/ Et jamais ils ne se rendent compte de ce qu’ils lui doivent, jusqu’à la simple chance de vivre. »

La famille va éclater un soir quand la mère joue (et perd) son fils Joaquin aux cartes. A partir de ce moment là, les rebondissements seront nombreux, les événements s’enchainent jusqu’à la fin du livre… Je vous laisse découvrir l’intrigue.

« Dans les écuries, les fils continuent à comploter et à murmurer, fous de colère. La mère, ils ne l’appellent plus, pas même la mère. Ils disent : « elle ». Dans ce elle, toute la défiance, toute la rage du monde ».

Sombre, cruelle, violente voire barbare, très dure, cette histoire ne peut laisser le lecteur indifférent. Néanmoins, en refermant le livre, mon impression est bien plus nuancée. Si j’ai eu du mal à m’attacher aux personnages (si ce n’est Rafael, le jeune si naïf,si bon pour qui on ne peut qu’avoir de l’affection) et si je m’attendais malheureusement à une telle fin (peu de surprise on la voit venir il faut le reconnaitre et c’est dommage), je garde un relatif bon souvenir de ce livre.

C’est surtout grâce à l’écriture de Sandrine Collette : elle est très travaillée, directe, ciselée parfois, basée sur le jeu des contrastes. Au moyen de mots subtilement choisis, les phrases sont souvent fortes et évocatrices, imagées. L’auteur sait parfaitement décrire les tensions, les peurs, les émotions de cette famille ainsi que les relations fraternelles brutales. Le lecteur n’est pas ménagé, loin s’en faut. Ce sentiment de huis clos, d’étouffement est maintenu tout au long de l’intrigue. Malgré un rythme plutôt lent (mais clairement assumé), le suspense est présent jusqu’aux dernières pages (même si comme je l’ai précisé plus haut, je suis déçu par la chute…)

« Les seules caresses qu’il accepte sont celles des brebis, et il plonge ses mains dans les toisons épaisses pour les pousser vers l’enclos, entoure les cous dans une étreinte plus qu’une secousse s’il faut encourager les bêtes qui craignent la tonte tout le monde le sait, les cajole quand Mauro et Steban les relâchent étourdies. Pourtant l’odeur de la peau trop longtemps enfermée sous la laine l’écœure, douceâtre, nauséabonde, mais il ne se lasse pas de la chaleur des corps, de leur douceur humide qui reste sur ses paumes et que les brebis viennent lécher pour en goûter le sel. »

La construction y fait aussi beaucoup. Le fait de changer de narrateur à chaque chapitre permet d’offrir des points de vue différents, donc d’apprendre des éléments nouveaux. Cela évite la monotonie et l’ennui vu la lenteur du récit. Une belle trouvaille de l’auteur.

Je ne peux que vous conseiller de lire ce dernier opus de Sandrine Collette. Différent des précédents, malgré les quelques réserves que j’ai énumérées dans cette chronique, ce western noir sera à n’en pas douter un succès.

4/5

Challenge-Rentrée-littéraire-janvier-2016

 

5 Commentaires

  1. Je n’ai pas tes quelques réserves. Contrairement à toi, j’ai été surprise par ce livre, et j’ai vraiment adoré cette ambiance. Je vois que tu as quand même beaucoup aimé, ouf 😉

    • Il est très bon rien à dire. Mais en sortant de « Grossir le ciel » où le final est phénoménal, j’ai été un peu déçu par la chute de Il reste la poussière.

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