Les aérostats – Amélie Nothomb

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Les aérostats - Amélie Nothomb - Albin Michel

Les aérostats publié aux éditions Albin Michel est déjà le 29ème roman de Amélie Nothomb. Depuis Hygiène de l’assassin en 1992, l’écrivaine belge a en effet été présente à chaque rentrée littéraire. Un véritable métronome!

Comme depuis 5 ans maintenant, je ne pouvais passer à côté de ce nouvel opus. Que vaut le millésime 2020 ? Est-ce un grand cru ? Une déception ?

Entrons dans le vif du sujet ou pas tout à fait.

A l’université, je n’étais pas quelqu’un de populaire. Les étudiants ne s’apercevaient pas de mon existence. Parfois, je réunissais mon courage pour adresser la parole à un garçon ou à une fille qui me semblait sympathique : on me répondait par monosyllabes. Par bonheur, la philologie me passionnait. Passer le plus clair de mon temps à lire ou à étudier n’étais pas un problème pour moi. Mais certains soirs, je pouvais souffrir de solitude.

Philologie

Ange, l’héroïne du roman, est une jeune belge de 19 ans vivant à Bruxelles et étudiant la philologie. Moins de 10 pages tournées et déjà un mot inconnu … et premier appel au dictionnaire (ou à un appui long si vous utilisez une liseuse).

D’après le Petit Larousse illustré 2021, la philologie est un nom féminin (du latin philologia, amour des lettres) qui possède deux définitions :

  1. Etude d’une langue ou d’une famille de langue, fondée sur l’analyse critique des textes.
  2. Etablissement ou étude critique de textes par la comparaison des manuscrits ou des éditions, par l’histoire.

En grand défenseur de la pensée critique, je ne pouvais donc être que conquis par ce thème. Je remerciais déjà inconsciemment Amélie du thème traité ans les aérostats et en même temps devenais exigeant pour la suite.

Ces derniers temps, dans les médias, on signalait une épidémie de dyslexie. Il me sembla en détenir l’explication. Nous vivions une époque ridicule où imposer à un jeune de lire un roman en entier était vu comme contraire aux droits de l’homme. […] Pourquoi avais-je échappé au naufrage ? Mes parents m’avaient éduquée simplement, sans recourir à des méthodes particulières. Pour moi, le mystère, c’étaient ces adolescents qui n’avaient pas la curiosité naturelle de lire. Que l’on en accuse Internet ou les jeux vidéo m’apparaissait aussi absurde que d’attribuer ç telle ou telle émission de télévision la responsabilité de leur désaffection pour le sport

Solitude et mal-être

Ange est une bonne élève, Ange est solitaire, Ange pense être transparente mais s’aperçoit qu’elle attire jalousie et forte hostilité de la part de ses camarades. C’est une grande lectrice, grande amatrice de pépites littéraires telles La princesse de Clèves, Le Bal du comte d’Orgel ou encore L’Iliade et l’Odysée.

Pie Roussaire, de 3 ans son cadet, est un élève suisse au lycée français de Bruxelles. Adolescent dyslexique, il se vante de n’avoir jamais lu un seul livre. La guerre, les armes, les mathématiques et surtout les zeppelins trouvent davantage grâce à ses yeux.

Ange est engagée par le père de Pie, Grégoire, un drôle de personnage que je vous laisse découvrir, afin de « guérir » celui-ci. Elle est richement rétribuée pour cette mission.

Obligeant Pie à lire dans des délais restreints, elle constate que ce dernier est doté d’une intelligence exceptionnelle. Les discussions sont de haut niveau et une amitié sincère nait de leur relation.

Comme l’avait bien résumé Pie, mon impact sur lui avait concisté à le transformer en lecteur de grande littérature. Celle-ci était tout sauf l’école de l’innocuité. Eschyle, Sophocle, Shakespeare, pour ne citer qu’eux, auraient ordonné à un jeune homme de qualité de liquider des ordures pareilles. Si je ne lui avais pas fourni l’arme du crime, je lui en avais apporté l’armature littéraire. tout grand texte contient une expiation et des meurtres. Ce n’était pas mon intention mais je savais de quoi était pavé l’Enfer.

Le pouvoir de la littérature

Il adore, il déteste, il se reconnait dans le héros ou y voit une métaphore de ce qu’il vit en passant de l’adolescence à l’âge adulte. Pie analyse, Pie commente, Pie fait preuve d’un sens critique qui ravit sa professeur tout comme le lecteur.

Quel bonheur en effet de lire de tels propos, d’être poussé à réfléchir soi-même sur les thèmes de l’adolescence, de l’acceptation de soi, de ses désirs, de l’amour, d’être incité à courir dans sa librairie indépendante préférée pour se procurer en urgence telle ou telle référence (Le Bal du comte d’Orgel me concernant puisque je confesse ne pas connaître ce titre).

Beaucoup de thèmes, autant de questions! Amélie Nothomb n’impose pas son point de vue, elle incite à la réflexion, au fameux sens ou esprit critique. D’aucuns diront qu’elle ne se mouille pas et reste superficielle. Ce n’est pas mon cas, je trouve à l’inverse que la prise de risque est importante et que les sujets mis en avant sont judicieusement traités.

Le rejet du père n’est pas réservé à l’adolescence. Ce que je hais chez mon père, ce n’est pas sa paternité, c’est le sort qu’il me propose : à partir du vingtième siècle, l’héritage que nous laisse la génération précédente, c’est la mort. Même pas la mort instantanée: il s’agit de traîner une longue angoisse de cancrelat blessé avant d’être écrasé.

Des thèmes récurrents

Le lecteur n’est point surpris en dévorant les 180 pages : il retrouve dans les aérostats la majorité des thèmes chers à Amélie Nothomb. Sans être exhaustif, je citerai bien évidemment le champagne Deutz, son péché mignon, mais également les relations familiales et le rapport avec le père de famille, le mal être de l’adolescent ou le client d’œil aux prénoms épicènes.

Le style est fluide et dynamique, l’écriture simple et agréable, les mots forts et méticuleusement choisis, les dialogues nombreux et savoureux. La encore, point de surprises.

Les aérostats est trop court et c’est avec une légère frustration que je l’ai fermé tant la fin est « rapide » voire radicale et brutale. C’est mon grand regret tant il donne envie de se replonger dans la littérature, il donne envie d’aller vers les autres, il donne envie de vivre tout simplement.

Ce garçon était conscient du drame qu’il vivait, il m’appelait à l’aide. Pour lui, tomber amoureux de moi, c’était supplier le réel de s’intéresser à lui. Et Dominique ? je l’aimais bien. Il m’occupait très peu. Il appartenait à cette frange la réalité dont on se réjouit qu’elle existe, comme le paysage.

Les aérostats n’est pas mon préféré, il est par exemple légèrement en dessous de Soif dont je recommande toujours autant la lecture. Il est toutefois un excellent millésime que je conseille.

A l’année prochaine Amélie!

4/5

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