Quitter la grande ville – Sophie Coignard et Michel Floquet

0
Quitter la (grande) ville - Sophie Coignard et Michel Floquet - Albin Michel

Sophie Coignard est journaliste au Point. Je l’ai beaucoup lu et apprécié dans le passé. Comment ne pas citer l’omerta française ou l’Oligarchie des incapables, deux récits politiques très intéressants.

Michel Floquet est quant à lui un ancien journaliste pour TF1. Il est également auteur, notamment du remarqué Triste Amérique, le vrai visage des Etats-Unis.

Quitter la (grande) ville est leur premier ouvrage en commun. Le titre ne pouvait que me parler…

Je remercie Claire et Albin Michel d’avoir permis cette lecture en avant-première.

En fait, les accourus aiment bien les gens du cru, à condition toutefois qu’ils ne portent atteinte ni à leur paysage, ni à leur quiétude.

Evolution des moeurs

Une fois n’est pas coutume, j’utilise la quatrième de couverture pour entamer cette chronique. Elle traduit parfaitement la situation actuelle.

« Il y a vingt ans, les auteurs de ce livre ont décidé d’aller vivre à la campagne avec leurs enfants tout en continuant de travailler à Paris. Cette décision, difficilement avouable à l’époque est aujourd’hui celle de milliers d’exilés du Covid qui n’ont plus besoin de se cacher.

Comme Sophie Coignard et Michel Floquet, ils aspirent à une autre vie, dépourvue d’embouteillages, de loyers délirants, de rats trottinant dans les espaces verts.

A la campagne, dans le Perche en l’occurrence, on se gare devant le cinéma, le court de tennis est à cinq minutes. Les services publics ont un nom et un visage.

Le télétravail permet désormais d’envisager l’accès à ce paradis rural qui essaie de transcender les blocages, les contradictions de notre société. […] »

Qui ne se reconnaît pas dans ces phrases… Qui n’a pas eu envie de tout plaquer, de changer de vie et d’embrasser l’inconnu, de retrouver le goût simple, de vivre mieux avec moins…

La pandémie a très clairement fait évoluer les habitudes et modifier les comportements. Je suis campagnard, je suis un adepte historique des circuits courts et des produits locaux, j’aime mon lopin de terre, mon jardin et le calme de l’espace pour lire, me détendre, … Je revendique mon indépendance.

Mon petit village était une zone blanche : pas de téléphone portable possible. Il était (et est toujours) réputé pour sa qualité de vie, son fleurissement, sa tranquillité et son dynamisme. Pour autant, je vis aujourd’hui en région parisienne et suis donc un spectateur privilégié de ce phénomène dont le livre de Sophie Coignard et Michel Floquet traite.

Les néoruraux d’aujourd’hui n’ont pas grand-chose à voir avec ceux des années 1970, pour lesquels le terme a été inventé. Il s’agissait, à l’époque, d’une population essentiellement jeune, en rupture avec la société de consommation. Les nouveaux venus, dans leur grande majorité n’ont pas ces aspirations idéologiques. Ils veulent juste, tous les sondages le montrent, une meilleure qualité de vie sans pour autant remettre en cause le modèle de développement dominant. »

Les accourus

En tournant les un peu plus de 200 pages, vous ferez la connaissance des accourus « comme on les appelle », ces citadins fuyant la grande ville, ces intrus se ruant en masse vers les campagnes à la suite de l’annonce du confinement en mars dernier.

Sophie Coignard et Michel Floquet font un parallèle entre leur installation dans le Perche dans les années 2000 et celles de ces « réfugiés épidémiques ». Ils évoquent leur histoire personnelle et leur souvenir, leur surprise, leur volonté de cacher ce déménagement à leur collègue pour éviter tout problème.

Le ton est souvent léger, badin, humoristique ou bobo. J’ai apprécié la sincérité de leur propos. Mention spéciale à la restauration de leur logis et l’épisode de l’architecte des bâtiments de France.

J’ai aimé également leur regard plus ou moins pertinent, plus ou moins objectif, plus ou moins « acide » sur leurs nouveaux voisins. Le chapitre sur la folie potagère m’a beaucoup fait rire, celui du RSD (restauration, subvention, défiscalisation) beaucoup moins. Chassez le naturel il revient au galop…

Et enfin j’ai appris grâce à Sophie Coignard et Michel Floquet. J’ai en effet découvert les atouts de ce lieu si proche de Paris et que je ne connais que peu au fil des pages.

Attention cependant, ce livre n’est pas pour autant un mode d’emploi pour s’installer à la campagne. Ce n’est pas un guide des us et coutumes, des bonnes méthodes et manières pour être accepté. Certes, il y a quelques conseils mais ils restent classiques, communs, banals… Là encore, sourire aux lèvres en me remémorant la fiche pratique numéro 3: Faire aimer la campagne à ses enfants ou la numéro 4: Obtenir sa naturalisation.

Vous n’apprendrez pas grand-chose et serez déçu si c’était ma principale attente en vous procurant l’ouvrage.

Quitter la grande ville est avant tout un récit optimiste d’une expérience réussie, d’un changement de vie voulue et assumée.

Combien de générations avant d’être reconnu comme un des leurs par les gens du cru ? L’objectif est louable mais trop ambitieux. Dans un premier temps, il serait plus sage de se borner à vouloir être accepté, en sachant qu’au moindre faux pas on sera de nouveau celui ou celle qui vient de la ville. Il faut donc faire des efforts mais pas trop montrer qu’on est de bonne volonté, sans laisser entendre qu’on cherche à plaire à tout prix.

J’ai passé un bon moment de lecture et remercie Sophie Coignard et Michel Floquet pour toutes ces anecdotes. Rafraichissant, humoristique et surtout d’actualité, je vous le conseille. Comme moi, vous le lirez rapidement, vous sourirez ou vous énerverez, vous ne comprendrez pas ou vous reconnaitrez.

3,5/5

Quitter la (grande) ville – Sophie Coignard Michel Floquet – Date de parution : 02/06/21 Editions Albin Michel – 17,90€ en version broché / 12,99€ en version numérique

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici