Jour 35
Relisez toutes les scènes écrites depuis ce début de semaine, posez les au sol ou sur une table et demandez vous ce qui manque, quelles scènes sont encore à écrire pour faire le lien, pour faire progresser votre histoire. Faites-en l’inventaire et écrivez-en une. (et puis ensuite une autre, et puis ensuite une autre, et puis ensuite).
Scène n°1 : Pré-départ (Se placer juste avant Jour 30)
Jour 35 — La maison immobile
La nuit s’accrochait encore aux murs.
Ben s’était réveillé avant le réveil, les yeux ouverts dans le noir.
Il était resté là, à écouter la maison respirer lentement autour de lui : le tic-tac de l’horloge du salon, un craquement de bois dans la toiture, le vent qui virevoltait entre les volets.
Chaque bruit semblait venir de très loin.
Il avait repoussé le drap, posé les pieds sur le parquet froid.
Dans le miroir de la salle de bain, son visage lui avait paru plus vieux que la veille.
Il avait laissé couler un filet d’eau au robinet, bu deux gorgées directement dans sa paume, s’essuyant la bouche du revers de la main.
Ses gestes étaient lents, comme s’il craignait de réveiller quelque chose.
Le silence tenait tout.
Il s’était appuyé un instant contre le chambranle de la porte, les yeux fixés sur le jardin invisible dans l’aube.
Puis il avait pris ses clés.
Scène n°2 : Arrêt avant la rivière (Entre Jour 32 Avant et Jour 29 L’eau claire)
Jour 35 — L’aire déserte
Un panneau annonçait une aire de repos à deux kilomètres.
Ben avait ralenti sans y prendre garde.
L’endroit était presque vide : une table en bois sous un platane, une poubelle débordante, un distributeur de boissons éteint.
Il s’était garé sous un chêne et avait coupé le moteur.
Le silence avait pris toute la place, seulement troublé par un grésillement électrique au loin.
Il était resté assis un moment, les deux mains posées sur le volant, à regarder un sac plastique tournoyer dans l’air chaud.
Il avait fini par descendre, étiré ses bras, bu une gorgée d’eau tiède.
À quelques mètres, un chat tigré traversait la route, queue basse, disparaissant dans les herbes hautes.
Ben avait suivi sa silhouette du regard comme s’il lui montrait une sortie qu’il n’osait pas encore emprunter, jusqu’à ce qu’elle se fonde dans la couleur du talus.
Il avait repris la route, sans allumer la radio.
Scène n°3 : Retour au monde (Entre Jour 32 Après et Jour 31 La sortie)
Jour 35 — Le village
La route avait débouché sur un petit village.
Une place pavée, quelques maisons aux volets marrons, une boulangerie ouverte.
Ben s’était arrêté sans réfléchir.
À l’intérieur, l’odeur de pain chaud avait immédiatement envahi ses poumons.
Une femme derrière le comptoir avait levé les yeux et souri.
— Bonjour.
Il avait répondu de la même voix basse que d’habitude, mais ce simple échange avait eu quelque chose d’étrangement apaisant.
Il avait acheté une baguette aux graines et une chocolatine, pris le sac encore chaud dans ses mains.
Dehors, il s’était assis sur un muret, mangé sans faim la viennoiserie, observant un vieil homme qui attachait lentement son vélo.
Le ciel s’était ouvert d’un bleu pâle, comme lavé.
Mais au fond de lui, rien n’était encore net.
La chaleur du pain entre ses doigts lui paraissait presque étrangère, comme un signe qu’il ne savait pas lire.
Il avait repris sa marche, sa baguette sous le bras, et senti que l’air, lui aussi, pesait moins.
Scène n°4 : Le pont (Entre Jour 35 Le village et Jour 31 La sortie)
Jour 35 — Le pont
À la sortie du village, la route franchissait un petit pont de pierre.
Sous lui, l’eau filait, rapide, claire, comme si elle était seule au monde.
Ben s’était arrêté au milieu.
Il s’était penché un peu, les deux mains posées sur la rambarde rugueuse.
Des reflets dansaient sur les pierres humides.
Il avait fermé les yeux.
Un instant, il avait cru entendre le bruit des galets ricochant sur l’eau, comme autrefois.
Il avait presque vu son père lever le bras, lancer d’un geste sûr.
Le cœur lui avait battu plus fort, sans qu’il sache si c’était de chaleur ou de manque. Il avait rouvert les yeux.
Un oiseau avait traversé le ciel au-dessus de lui, d’une aile vive.
Alors il avait repris sa route, sans se retourner.
Du 14 juillet au 1er septembre, je participe au défi d'été 2025 de l'école Les mots : du petit plongeon au grand bain. Pas de visio, pas de rendez-vous à l'école, juste des mails réguliers, comme des cartes postales littéraires, qui vous invitent à écrire 15 minutes chaque jour.
Le programme de cette première semaine: Trempez un doigt dans la piscine, avec un premier désir d'écriture.


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