Le garçon – Marcus Malte

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LeVieuxJardinAW+

J’ai eu la chance d’être sélectionné dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire  #MRL16  cette année et de recevoir Le Garçon de Marcus Malte.

Je remercie PriceMinister et les Editions Zulma pour cet envoi.

« Même l’invisible et l’immatériel ont un nom, mais lui n’en a pas. Du moins n’est-il inscrit nulle part, sur aucun registre ni aucun acte officiel que ce soit. Pas davantage au fond de la mémoire d’un curé d’une quelconque paroisse. Son véritable nom. Son patronyme initial. Il n’est pas dit qu’il en ait jamais possédé un. »

Je connaissais cet auteur pour ces polars dont les fameux Garden of Love ou Les harmoniques: Beau Danube blues, moins pour ses nouvelles. J’étais curieux de le découvrir en conteur. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est exceptionnel dans ce rôle là aussi. Quel livre, quel roman! Qu’il est difficile d’en faire une chronique objective… Je vais essayer d’en relater le plus important selon moi. Ne m’en voulez pas si j’omets certains détails ou insiste trop sur d’autres, tant cet ouvrage remue et bouleverse.

Marcus Malte est inclassable, Marcus Malte sait nous surprendre, nous instruire, nous captiver, nous passionner, nous faire frissonner quel que soit le style qu’il choisit. Le garçon est une preuve incontestable de son immense talent.

« Le garçon ne peut savoir objectivement ce qu’il vient de perdre. Ce qui ne l’empêche pas d’en éprouver l’absence jusque dans le moindre atome de son être ».

Mona Ozouf, la présidente du prix Fémina, disait récemment lors de la remise du prix 2016 à l’auteur que « ce roman est une météorite tombée dans les plates-bandes du monde littéraire. » Personnellement, je le qualifierai d’OVNI littéraire et j’ose dire de chef d’oeuvre.

« Qu’est-ce exactement? On l’ignore. Et de grâce faites que le mystère perdure. L’indéchiffrable et l’indicible. Que nul ne sache jamais d’où provient l’émotion qui nous étreint devant la beauté d’un chant, d’un récit, d’un vers […] ». 

Cette citation résumerait presque à elle seule cette fresque, ce roman d’initiation, ce roman monde… Une émotion intense, une écriture sublime, extrêmement travaillée, précise, poétique, aux très nombreuses métaphores. Et un mystère: un garçon sans nom, mutique, que l’on va suivre tout au long de sa vie.

« Le garçon ne parle pas: cette musique, c’est sa voix. Il la reconnait. Elle le comble. Elle le transporte. Liszt l’a sauvé, mais c’est Mendelssohn qui le rend heureux! C’est pourquoi elle a décidé de le baptiser Félix. Prénom du compositeur. Une évidence, la jeune femme en semble tout à fait persuadée. Elle n’est pas loin de parler de métempsycose. »

De l’état sauvage à la première Guerre Mondiale, en passant par son apprentissage de la vie, ses joies et ses peines, le meilleur et le pire, la sociabilisation et la découverte de l’amour… le garçon nous fait traverser le début du XXème siècle à ses côtés. Il est extrêmement difficile pour moi de résumer l’intrigue tant il y en aurait à dire, autant sur le fond que sur la forme. Et surtout car ce n’est pas l’essentiel…

« C’était peut-être seulement pour entendre une voix. Le garçon aurait aimé que cela durât la nuit entière mais hier comme aujourd’hui le flot s’interrompait tout à coup au détour d’une phrase et alors le silence heurtait ses tympans à la manière d’un gong et seules ses ondes continuaient à vibrer longtemps. »

Qu’il parle de musique, de littérature, de Guerre ou d’Amour, Marcus Malte excelle. Il réalise un véritable tour de force tant sa maîtrise du récit est totale. On ne peut qu’aimer retrouver de très nombreuses références littéraires  (Victor Hugo, Verlaine mais aussi Sade) ou musicales (Mendelssohn, Chopin, Liszt,…) face au silence assourdissant de son héros. On ne peut qu’approuver l’utilisation des temps de conjugaison anciens, des mots non usuels et même rares (merci au dictionnaire pas loin!) mélangés à des passages érotiques, explicites, crus mais jamais vulgaires.

« Rappelle-toi les amants pétrifiés: on n’arrête pas la lave en fusion que charrient les artères. Pas plus que la nuée ardente. On ne dompte pas le volcan. Ils ont lutté, ils ont perdu. Ils n’ont plus qu’à savourer leur défaite. Cela se passe la première fois dans la cuisine. »

Que d’audace en effet dans la forme utilisée: le lecteur vivra d’intenses émotions en fonction des chapitres. L’auteur use et abuse des nuances dans son écriture. Le style est par exemple léger, érotique lorsque Félix et Emma découvrent l’amour, s’adonnent aux plaisirs charnels.

« Felix, mon amour. Mon amant. Elle dit Félix à toutes les sauces, sur tous les tons. le garçon s’y retrouve. Au fond peu lui chaut, elle pourrait l’appeler Primevère ou Vinaigre ou Comédon tant que c’est à lui qu’elle s’adresse, tant que c’est lui qu’elle désigne. »

ou bien noir et violent mais si réaliste quand vient la Guerre et ses horreurs…

« Peux-tu me dire en toute honnêteté, en toute sincérité, quel sens auront nos vies si on leur ôte la liberté? Quelle valeur elles auront dans le poing d’un tyran? »

Le lecteur passe du sourire aux lèvres à la colère ou au désenchantement. Il est totalement impossible de rester froid et indifférent face au destin du garçon.  Cela en devient limite charnel. Je me suis surpris à rester sans voix devant la beauté, la richesse, la force et la symbolique de nombreuses phrases, passages…

« […] dans cette fameuse histoire, dont toutes sont censées découler, qui est le plus pervers: celui qui fait germer le fruit et l’expose à la gourmandise du profane en lui commandant de n’y point goûter – cruel édit – ou celui qui finit par y planter les dents? qui est le plus vicieux: le tentateur ou le tenté?) Qu’on le sache, ils sont purs! Pur leur désir, pur leur coeur, pure leur âme. Sans une profonde et véritable innocence ils seraient incapables de se livrer avec une telle ferveur, une telle liberté, incapables de faire preuve de cette absence quasi totale de retenue. Bien terrestre est leur paradis et ils y sont et ils y restent. »

Cet opus est vraiment magistral et fascinant. J’ai pris mon temps pour le lire, m’en imprégner, en un mot pour en profiter. Etre au côté de Felix, pleurer  et souffrir avec lui, pour lui, s’imaginer à sa place, ressentir ses angoisses, ses joies, ses doutes… vivre tout simplement face aux aléas de la vie, ses rencontres et ses événements inattendus.

Avant de terminer et pour être totalement objectif, je reconnais qu’il y a des longueurs dans certaines parties, notamment des descriptions qui auraient mérité d’être plus succinctes. Mais cela n’a en rien gâché ma lecture bien au contraire. Une fois que vous l’ouvrez, il est impossible de le lâcher. Les pages se tournent, les années se succèdent… la grâce, la beauté et le silence perdurent…

Ma conclusion sera simple: Merci Marcus Malte pour ce bijou tellement brillant. Mes ami(e)s, foncez chez votre libraire ou votre bibliothécaire préféré pour vous procurer Le Garçon. Coupez vos smarphones, installez-vous confortablement et je vous garantis 550 pages de bonheur à venir!

Je recommande (et le mot est faible) de ne pas passer à côté de cette pépite de la rentrée littéraire 2016. Lecture intense, lecture émouvante et marquante donc lecture indispensable!

5/5 ENORME COUP DE COEUR

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#MRL16

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17 Commentaires

  1. Merci pour cette chronique enthousiaste de ce chef d’oeuvre ! Oui je suis d’accord avec toi pour lui donner ce qualificatif. Pour moi, aucune longueur, que du bonheur à chaque mot, et quels mots !
    Inoubliable ! Je pense que tu devrais en convaincre certains et c’est génial

  2. Fichtre, bon, ok, très très bon billet tentateur !!! Je le lirai pendant mes vacances à Noël, parce que bon 600 pages je vais rester un mois dessus en période scolaire ! 😛

  3. Je l’avais effectivement vu dans la sélection des MRL2016… Pour ma part j’ai reçu Chanson Douce, ce qui m’a enchanté aussi car je l’ai adoré.
    Mais il faudrait vraiment que je jette un œil à celui-là !

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