N’ayant jamais eu l’occasion de lire Alice Zeniter, ayant entendu/lu beaucoup de bien et étant tenté par son dernier roman Juste avant l’oubli, j’ai profité de mes derniers jours de vacances pour lire Sombre Dimanche.
Couronné par le prix Livre Inter, le prix des lecteurs de l’Express et le prix Closerie des Lilas, et sélectionné pour le prix des lecteurs Livre de poche Sélection 2015, ce roman avait tout pour m’attirer.
Au travers d’un peu plus de 250 pages, le lecteur suit la vie de Imre Mandy, un jeune hongrois vivant avec son père Pal, son grand-père Imre et sa soeur Agnès dans une maison en bois au bord des rails près de la gare Nyugati à Budapest. Ces trois générations ont vécu les « grands moments » de l’Histoire de la Hongrie: de la bataille de Budapest lors de la seconde guerre mondiale, à l’invasion des Russes en 1956 jusqu’à la fin de la guerre froide en 1989 et la chute du communisme. A chaque période ces malheurs pour un membre de la famille… et sa mélancolie persistante.
Si les épreuves douloureuses du père et du grand père se rapportent à l’Histoire, celles de Imre sont plus contemporaines. Après l’effondrement de l’URSS, Imre va connaitre les sex-shops, le consumérisme et enfin Kirsten, une allemande, avec qui il se marie et a une petite fille, Greta. Malgré cela, malgré le changement de régime, le rêve de la belle vie, l’espoir de la liberté, Imre ne sera pas épargné par la poisse persistante poursuivant sa famille. Il vivra à sa façon son « Sombre Dimanche » lui aussi…La famille Mandy et le bonheur ne seront jamais dans le même camp…
J’ai lu le roman rapidement. L’écriture est agréable, légère, parfois poétique, parfois humoristique, parfois contemporaine, parfois dure. Le style est dynamique (les chapitres courts y contribuent grandement), alternant dialogue et récit. Pas de souci de ce côté la, Alice Zeniter a une belle plume et écrit bien. La première partie historique est parfaitement maitrisée par l’auteur. La fin du roman est très émouvante: de la lettre du grand père aux prises de décision de Imre, il y a des moments très forts, parfaitement retranscrits par les mots choisis et les phrases construites par l’auteur. Mettons également en exergue la justesse et la sensibilité de l’auteur lorsqu’elle évoque les conséquences du drame d’un viol pour le corps d’une femme:
Je ne veux pas que les hommes me touchent. Je ne veux pas qu’ils me pénètrent. Je veux une vie entière sans penser à ce qu’il y a à l’intérieur de moi. A ce que l’opération a pu y faire. Peut-être que c’est complètement couturé. Ou un peu comme du bois. Je voudrais que ça le devienne entièrement. Me refermer comme une blessure, cicatriser
Il n’en est malheureusement pas de même pour mon ressenti général en tournant la dernière page. Je ne sais pas quoi penser… J’ai eu beaucoup de mal à m’attacher aux personnages, à m’investir dans l’intrigue. Ce spleen généralisé a été un repoussoir important.Je n’ai pas « accroché plus que cela » à l’histoire de la vie de Imre…trop déconnectée, trop insignifiante oserais je dire, de l’Histoire narrée au début du roman.
La vie est fragile, les aléas nombreux et le bonheur est rare… Est-ce la morale de ce livre? Est-ce cela le message qu’a voulu faire passer Alice Zeniter avec cette saga familiale? Mais pour autant, cette chape de plomb relayée par une mélancolie persistante, ce côté négatif très marqué, cette tristesse perpétuelle, cela n’encourage pas vraiment à arriver à cette conclusion. Il m’a vraiment manqué quelque chose dans ce roman… J’ai l’impression d’être passé à côté de quelque chose…
En conclusion, je suis légèrement déçu par ce premier contact avec Alice Zeniter. Je reste sur ma faim. Cela reste toutefois un voyage agréable en Hongrie (historiquement parlant) et un roman joliment écrit.
3/5