Le souffleur – Christophe Baroche

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LeSouffleur

Dans le cadre du club des explorateurs, j’ai eu la chance de lire en lecture commune avec mon ami Jean Michel Palacios,  Le Souffleur de Christophe Baroche et Danièle Thiéry. Ce récit, dans l’ombre des négociateurs du RAID, est aussi instructif que passionnant ! Je remercie Orange et Lecteurs.com pour l’envoi de ce livre.

« Le souffleur… Quel beau titre pour illustrer ce qu’est le travail du psychologue dans une cellule de négociation de crise au sein de la police ! Au théâtre, un souffleur est une personne qui souffle aux acteurs leur texte pour leur venir en aide. Bien que placé au milieu de la scène, il est invisible, son rôle est discret mais indispensable ».

Telles sont les premières phrases de la préface de ce récit d’un peu moins de 300 pages. J’avoue être le premier surpris par la qualité de cet ouvrage. Je ne m’attendais pas à passer un si agréable moment de lecture. Pas que le sujet ne m’intéressait pas mais plutôt parce que je pensais que cela risquait d’être difficile à lire car très technique, voire rébarbatif à la longue. Comme quoi, j’ai bien fait de me plonger avec passion dans cet opus.

Dans un premier temps, Christophe Baroche nous décrit son parcours, ses motivations et comment il a fini par intégrer le RAID. Il voulait être flic, c’était sa hantise. Il est devenu psychologue mais n’a pas renoncé pour autant à son rêve puisqu’en 1998, après des années d’approche, il finit par intégrer le RAID, l’unité d’élite de la Police Nationale.

« Affronter ce qui nous fait peur pour le maitriser, le réduire et parvenir à reprendre le contrôle sur ce que l’on a subi et qui nous hante. Devenir actif et non plus soumis. C’est un moteur important pour certains comportements et peut être pour le choix de son métier. »

C’est une première car les psychologues à l’époque ne sont pas en odeur de sainteté dans la grande maison. Il doit donc faire ses preuves et ses marges d’action au début sont très limitées.

« La négociation n’est pas totalement dans l’esprit français. En France, l’affrontement, le conflit, le rapport de force, la force tout court, sont des valeurs beaucoup plus traditionnelles. Négocier revient à baisser pavillon et parfois son pantalon… Tel le coq, le Français campe sur sa position, entre révolution et résistance. On préfère « terroriser les terroristes » et les terrasser sans discussion, quel que soit le prix à payer au bout du compte. »

Il nous fait en quelque sorte l’état des lieux de la négociation il y a 20 ans, ce qu’il a fait pour le changer (les passages notamment sur les formations à l’étranger sont très instructifs) et surtout témoigne de sa motivation, son abnégation pour y parvenir.

« Au bout du compte, je trouve ça assez proche de ce qui se fait en France. Le système D, la débrouille, l’adaptation. Le négociateur ne doit pas s’habituer à travailler dans le confort, ni rester figé dans un système ou une façon de faire. Il doit, à chaque fois, rechercher la meilleure façon d’opérer, même si elle est inconfortable voire risquée. La méthode Afrikaan, c’est « on n’a pas le cul dans la soie »… »

Il nous présente au travers de très nombreux témoignages et autres anecdotes les cas qu’il a vécus (avec les bons et les mauvais souvenirs, mais tous sont mis au même niveau d’importance), l’évolution du métier, la classification des cas rencontrés et les différents profils des individus (très didactique, parfaitement illustré donc très compréhensible), les progrès au fils des années et surtout l’apport incontestable aujourd’hui de la psychologie. Car à l’arrivée, en tournant la dernière page, le lecteur en est convaincu : le pouvoir de l’écoute, l’adaptation, la discussion sont des atouts majeurs pour éviter le pire.

Tout est narré avec beaucoup d’humilité, de pudeur, ce qui rend ce témoignage criant de vérité. L’auteur semble sincère et ne jamais tricher dans ses phrases. Il n’hésite pas à parler de ses erreurs, souvent avec humour, qui lui servent à faire évoluer ses méthodes et être encore meilleur.

« Remonter à la genèse est primordial car c’est là-dessus que va s’appuyer la négociation. C’est une démarche essentielle dont on ne peut pas faire l’économie. C’est ce que je n’avais pas fait lors de ma première affaire : chercher la source du problème. Pour nous, c’est sûrement un incident anodin, voire futile, mais pour lui c’est l’arbre qui cache la forêt, c’est un élément aveuglant. »

Christophe Baroche a vécu ses moments au cœur même du dispositif. On ressent le stress, la tension, l’émotion, la fatigue, la joie quand tout se termine bien (ses victoires en quelque sorte même s’il ne se met jamais en avant) ou la tristesse suite à l’échec de la négociation (l’avant dernier chapitre est consacré à ces derniers, ce qui est tout à son honneur). Jamais il ne baisse les bras, ni lui ni les membres du RAID à qui il rend aussi un vibrant hommage.

« On n’évite pas toujours la casse. Nul ne peut prétendre que la négociation permet à chaque fois de sortir de la crise sans dommages. Le pourcentage de cas où elle est stérile reste faible aujourd’hui mais il existe. »

Les chapitres ont beau être courts, le style fluide, l’écriture agréable, le contenu captivant, il faut du temps pour terminer cet opus. Il ne se survole pas, mais en ces périodes particulièrement troublées, quel bonheur de lire un tel livre. Ode à la vertu de la parole contre la violence et ses dérivées telle sera ma conclusion.

Je vous recommande Le souffleur de Christophe Baroche. Vous en ressortirez je l’espère avec un regard neuf sur l’apport de la négociation et de la psychologie dans les affaires policières.

4/5

L’article associé à cette lecture commune est ici: Club des Explorateurs #60. Pour lire la chronique de Jean Michel, rendez-vous ici.

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Enfin, Jean Michel est aussi écrivain. N’hésitez pas à l’encourager en votant pour ces nouvelles. Il le mérite. Merci par avance pour lui.

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