Faire corps – Charlotte Pons

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Faire Corps Charlotte Pons Flammarion

Faire Corps est le second roman de Charlotte Pons paru aux éditions Flammarion en février 2021. Journaliste, elle est l’auteur de Parmi les miens paru aux éditions Flammarion en 2017 et créatrice des ateliers d’écriture Engrenages & Fictions.

J’ai eu la chance de découvrir cet auteur avec Faire Corps lu dans le cadre de la sélection 2022 des 68 Premières fois.

Qu’est-ce donc qu’être parents si ce n’est ressentir l’extrême fragilité de toute chose, si ce n’est de tendre le bâton pour se faire battre.

Normaliser

Il n’est jamais aisé de s’attaquer à un sujet contemporain, a fortiori très clivant. Comment le traiter ? Être pro ? Être anti ? Rester neutre ? Charlotte Pons a clairement son avis sur la question mais jamais ne l’impose au lecteur dans Faire Corps.

Sandra a la quarantaine et ne souhaite pas avoir d’enfant. Est-ce la cause de la mort brutale de son jeune frère Abel ? Est-ce une conséquence de la mort de sa mère et des relations compliquées avec son père ? Est-ce un choix de vie ? Peu importe, c’est son choix et il doit être respecté. Pour autant, rien n’est si simple dans notre société stéréotypée.

Romain et Marc sont en couple. Ils souhaitent un enfant mais toutes leurs tentatives demeurent infructueuses. Romain est un ami d’enfance de Sandra et naturellement il se tourne vers elle. Après de nombreux refus, Sandra décide finalement d’aider son ami. Elle accepte de porter cet enfant.

Je suis enceinte, je ne vais pas devenir mère. Je fais un enfant, je ne vais pas en avoir un ni ne l’attends ou seulement pour en être délivrée. Dans cinq mois, je vais accoucher, pas devenir maman.

Interpeller

Charlotte Pons traite la Gestation Pour Autrui aussi finement qu’en profondeur.

Elle l’explique de manière détaillée tant sur le plan pratique qu’organisationnel. Elle pointe les dérives, la clandestinité, le marchandage…

Au fil des mois, elle démontre également les « conséquences » d’un tel acte. Sandra semble l’accepter « sur un coup de tête »… Sans en mesurer complètement les conséquences. Le courrier de la CAF, les changements corporels, les questionnements incessants contribuent à l’évolution de l’état d’esprit de Sandra. L’écriture percutante et ciselée, crue et en même temps poétique, saisit le lecteur et maintient la tension page après page.

Enfin, les mots ne sont pas choisis au hasard. Un exemple ? « Votre projet ».

Faire Corps fait indubitablement réfléchir le lecteur.

Je me lève le rouge aux joues, dépenaillée, meurtrie. Je me déshabille en prenant garde à ne plus croiser mon reflet, enfile un jogging, des baskets. Je dévale les escaliers d’un pas lourd, tentant d’amorcer un mécanisme d’expulsion à mon périnée. Dégage. Dans le parc des Buttes-Chaumont, une foulée après l’autre, le ventre de quatre mois tendu comme de la pierre. Dégage.

Bousculer

Vulgariser pour normaliser, interpeller pour faire réfléchir, et enfin bousculer pour vraiment marquer. Je ne sais si c’était les intentions de l’auteure, mais c’est ainsi que je l’ai ressenti au fil des pages.

L’écriture de Charlotte Pons bouscule en effet très clairement son lecteur. Elle est directe, cash, sans fard. Elle est surtout équilibrée et juste ! Ce n’est ni un plaidoyer, ni un brûlot. Comme je l’écrivais précédemment, rien n’est imposé, tout est abordé.

Le lecteur ne peut rester indifférent aux émotions et doutes de Sandra, aux envies et craintes de Romain.

Citons également l’amour omniprésent au fil des pages. Comment aimer un enfant qui est le sien sans l’être complètement ? Comment « disparaître » de la vie d’un enfant que l’on a porté ?

Conservez vos idées, mais laissez vos a priori et autres préjugés au vestiaire. Lisez Faire corps et reparlons-en. Entrez dans la tête et faites corps avec Sandra.

Nous réinventerons. Nous ferons corps.

Si comme tout écrit son analyse et sa compréhension/interprétation demeurent subjectif, j’ai aimé Faire corps. Je ne suis pas une femme et pour autant, j’ai apprécié la profondeur, j’ai suivi cette aventure intérieure, les interrogations et les envies, les craintes et les évolutions de Sandra, de Romain… Tout n’est pas un franc succès, mais dans l’ensemble le sujet est très brillamment traité.

Faire corps est un second roman sensible et délicat, écrit avec discernement et finesse. C’est une nouvelle très belle découverte grâce aux 68 premières fois. Je lirai à l’occasion Parmi les miens et surtout je suivrai les prochaines publications de Charlotte Pons.

4/5

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