Amine est le nouveau roman de Mona Azzam paru aux éditions La Trace à l’occasion de cette rentrée littéraire.
Hasard du calendrier (ou pas…), il est sorti jeudi, jour de grève nationale des enseignants. Quel rapport me direz-vous ? Comme toujours avec Mona Azzam et la Trace, regardez cette sublime couverture : un enfant au regard apeuré, un tableau noir, une craie blanche, un prénom et des …
Je remercie Mona, Florence et Jean-Philippe de m’avoir permis de déguster ce petit bijou en avant-première juste avant Noël.
Amine
Peut-être vous souvenez-vous de Maïmouna, cette jeune fille pour laquelle on ne pouvait que s’attacher dans le précédent opus de Mona, Ulysse a dit.
Peut-être Amine est un frère ou cousin lointain de Maïmouna tant leurs trajectoires se ressemblent… Ce phare d’Ulysse qui rayonne et nous guide m’avait profondément marqué. Amine et son cher professeur Maya en ont fait de même.
Amine est un jeune garçon de dix ans en provenance du Sahel. Il est le nouvel élève, le vingt-quatrième de Maya, professeur de français en classe de 6e au collège Camille Claudel d’Annecy. Amine ne parle pas français, Amine ne comprend pas le français, Amine ne parle pas tout simplement. Et pour autant, il ne bénéficie pas de cours spécifiques ou d’une quelconque aide pour s’intégrer. Il est placé là, tout simplement, et que les professeurs se débrouillent !
Révolte, colère, indignation
Je ne sais si c’était le souhait de l’auteur, mais c’est ainsi que je l’ai ressenti. Révolte d’un professeur face aux attaques de ses collègues ; colère d’un professeur devant l’absence de considération pour Amine ; indignation devant l’ignorance et le refus.
Maya a un but et elle l’atteindra quoiqu’il en coûte. Jour après jour, elle consacrera son temps, ses efforts pour apprendre à Amine notre langue. Jour après jour, elle fera preuve de bienveillance, d’humanité, de pédagogie. Jamais elle ne baissera les bras, jamais elle ne renoncera malgré les cactus et autres chausse-trappes.
Généreuse et persévérante, Mona, pardon lapsus révélateur, Maya offrira ses connaissances à Amine, les lui transmettra. Maya ne demande rien, Maya fait son travail, tout simplement : celui de professeur qui instruit.
Comme Mona Azzam, professeur de Lettres, femme sensible et généreuse, militante engagée des droits de l’Homme, ayant des racines africaines et enseigné dans de nombreux pays…
Instruction, intégration, ascenseur social, réussite
Roman choral, Amine est un livre d’actualité, un livre politique et militant pour ne pas dire engagé… Mais c’est surtout et avant tout pour moi, un vibrant plaidoyer pour le corpus du métier d’enseignant.
Qu’attend-on de l’école ? Quel est son rôle ? Ce n’est pas d’éduquer ou d’élever… Mais bien d’instruire comme le narre si justement Mona Azzam dans Amine.
D’aucuns parleraient d’égalité des chances, je préfère employer l’expression l’instruction pour tous, quelle que soit son origine, quelles que soient ses traditions, quelle que soit sa religion, quelle que soit sa couleur de peau.
Je retrouve tant Mona ligne après ligne, page après page. Mona Azzam est une combattante qui parle avec son cœur, avec ses tripes. Je l’ai parfaitement ressenti dans de nombreux chapitres.
L’écriture est ciselée, extrêmement précise, incisive, envoûtante… Elle est si expressive et poétique que l’on ne peut que s’attacher et être ému. Les larmes affleurent régulièrement, elles finissent par couler à flots en refermant ce trop court opus.
Que j’ai aimé ce roman qui m’a fait revisiter ma vie ! Tout d’abord, revenir en enfance avec le tableau noir et la craie de l’école primaire, ces souvenirs inaltérables… Puis traverser mes parcours scolaires avec ses professeurs si marquants que nous avons tous connus et pour lesquels nous sommes capables de conter telle ou telle anecdote. Enfin, mon parcours politique et cette certitude du vivre ensemble, de l’égalité des chances…
Il est si difficile de faire bouger les choses, il est si difficile d’allier les bonnes volontés. Ces batailles d’ego, cet individualisme qui pousse à ne pas s’intéresser, pire à condamner…
Nous sommes début d’année, l’heure des bonnes résolutions. Gageons que Maya n’est pas une exception, gageons que ce cri du cœur d’espoir et d’humanité hurlé par Mona Azzam fasse tache d’encre.
Naïf et utopique ? Il ne tient qu’à nous de transformer le rêve en réalité comme l’a si bien écrit Antoine de Saint-Exupéry.
Vous l’avez deviné, je recommande la lecture de Amine.
4/5