Arrête avec tes mensonges – Philippe Besson

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ArreteAvecTesMensonges

« Mon père m’ordonnait d’avoir de bonnes notes. Je n’avais pas le droit d’être médiocre, ni même moyen. Je devais être le meilleur, tout simplement. Il n’y avait qu’une place, la première .Il affirmait que le salut venait des études, que seules les études permettaient de monter dans l’ascenseur. Il voulait les grandes écoles pour moi, rien d’autre. J’ai obéi. Comme pour les lunette. Bien obligé. »

Dans le cadre de ma participation au jury Lecteurs du prix L’Express/BFM 2017, j’ai eu la chance de lire dans la sélection du mois de Mars le dernier ouvrage de Philippe Besson, Arrête avec tes mensonges. 

Je remercie l’Express et les éditions Julliard  pour l’envoi de l’ouvrage.

« Je devrai apprendre à leur survivre. Et l’écriture peut être un bon moyen pour survivre. Et pour ne pas oublier les disparus. Pour continuer le dialogue avec eux. »

Roman d’autofiction (d’aucun pourrait même dire autobiographique), Arrête avec tes mensonges nous emmène dans une petite ville du Sud-Ouest, Barbezieux, dans laquelle le narrateur rencontre Thomas Andrieu à l’âge de 17 ans. Il nous conte l’histoire d’un amour fou de jeunesse, un amour clandestin donc impossible et voué à l’échec… un amour fort qui prendra fin du jour au lendemain, mais qui resurgira bien des années plus tard, réveillant par la même souvenirs et douleurs.

« La terreur de le perdre l’a emporté sur toute autre considération. La dépendance. Les rendez-vous clandestins reprennent normalement. Les baisers sur le corps. L’amour dans la garçonnière. Cela, qui n’appartient qu’à nous. Cela, incommunicable[…] »

Découpé en 3 parties, ce témoignage poignant, extrêmement marquant et bouleversant nous permet de comprendre les thèmes souvent récurrents des précédents romans de l’auteur. Il est servi par une écriture simple, abordable, d’une force impressionnante, d’une émotion palpable et d’une beauté magistrale.

« Mais l’absence, c’est d’abord, évidemment, le silence, ce silence enveloppant, qui appuie sur les épaules, dans lequel on sursaute dès que se fait entendre un bruit imprévu, non identifiable, ou la rumeur du dehors. Pour ne pas sombrer tout à fait, je n’ai trouvé que ceci : je me souviens du corps, du sexe blanc, veineux, des grains de beauté. L’éblouissant souvenir me sauve de la ruine. »

Vous n’y trouverez nul pathos ou voyeurisme, ni fioritures; juste l’histoire d’un homme qui se met littéralement à nu, ose se livrer, coucher sur le papier son histoire, son insouciance, ses sentiments, sa tristesse face à l’abandon, son impuissance face à l’absence, au manque de l’autre et malgré tout sa volonté d’avancer quoi que cela lui coute.

« Ceux qui n’ont pas franchi le pas, qui ne se sont pas mis en accord avec leur nature profonde, ne sont pas forcément des effrayés, ils sont peut être des désemparés, des désorientés ; perdus comme on l’est au milieu d’une forêt trop vaste ou trop dense ou trop sombre. »

C’est délicat, poétique, sensible, si sincère et pudique… Le lecteur reste bouche bée, les yeux humides, la gorge sèche. Cet opus est une vraie claque, surtout qu’il se lit d’une traite. Jamais on ne ressent l’envie d’abandonner et de poser le livre. On reste en apnée page après page devant la puissance littéraire. Si certains passages peuvent apparaitre artificiels au premier abord, ce sont surtout des pauses salvatrices pour reprendre son souffle, sécher ses larmes…

« J’en suis déjà là, à espérer pouvoir mendier une deuxième  chance. Je me raccroche à l’éventualité d’un rachat. Mais, évidemment, me reviennent la maigreur, la myopie, la débilité de tout le corps, et la laideur du pull jacquard, et la présumée supériorité qui éloigne ; autant de défauts, autant de défaites. Je redeviens celui que j’étais avant, le garçon qui intrigue, pas celui qui plait. Je me dis que plaire n’a duré que le temps d’une étreinte, dans un vestiaire. Que plaire n’a été qu’illusion »

Chapeau bas Monsieur Besson pour ce magnifique ouvrage! Assurément pour moi son meilleur livre. Lisez le vraiment, je ne peux que chaudement le recommander.

5/5 COUP DE COEUR!

Le lien de ma chronique sur le site de l’Express est ici

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