
La vie de l’homme
Parfois l’homme, premier roman de Sébastien Bailly, s’affranchit des conventions : ni roman classique, ni simple autofiction, mais une sorte de méditation drôle et mélancolique sur la vie ordinaire. Radioscopie de la condition masculine, de ses grandeurs minuscules et de ses ridicules universels.
« L’homme a heureusement pour lui, le plus souvent, un nom propre tellement commun qu’il en est presque affligeant. C’est Martin, c’est Lefèvre. Mais, bientôt, il en croisera d’autres auxquels leurs parents auront donné le nom d’un produit adopté. C’est l’hilarité des salles de classe au moment de l’appel. le petit iPhone est attendu par ses parents à l’accueil. »
Un roman en fragments
En plus de cent courts chapitres, Sébastien Bailly traverse les étapes de l’existence : naissance, école, travail, amour, vieillesse, mort. Cette construction éclatée fait surgir l’extraordinaire du banal et révèle, dans la répétition des gestes quotidiens, une quête sourde d’identité. Parfois, la mécanique se fait insistante, l’effet catalogue guette, mais ce rythme haché impose une vision : chaque morceau comme un éclat de miroir.
« Un conseiller d’orientation est quelqu’un qui, lorsqu’il est allé voir un conseiller d’orientation, a choisi le métier de conseiller d’orientation. C’est fascinant : il est entré dans le bureau, il a vu le conseiller d’orientation et il a dit ; je veux faire ça. Et ainsi de suite, au fil des générations, les conseillers d’orientation se reproduisent par mimétisme, en absorbant dans leur grande famille des jeunes plus influençables que les autres. »
Humour et lucidité
Le style, précis, manie l’ironie avec talent : drôlerie des situations, sarcasmes tendres, clins d’oeil littéraires. L’auteur évite le cynisme, préférant un humour pince-sans-rire qui rend supportable la mélancolie du temps qui passe. Mais cette ironie, par moments, frôle la caricature : on rit, puis on se demande si la charge n’écrase pas un peu le sujet.
« L’homme attend son heure. Il pourvoit à ses besoins essentiels. IL dort, se lave, mange même. »
Parfois l’homme est un livre vif, inventif, qui se dévore par éclats. Il alterne humour et gravité avec brio, quitte à perdre parfois en nuance. On en ressort amusé, un peu secoué aussi, et surtout conscient que derrière « l’homme », il y a chacun de nous. Je l’ai lu à la fois en souriant et en me sentant piqué.
Parfois l’homme est édité aux éditions Le Tripode.
Lu dans le cadre de la session 2025 des 68 premières fois.


