In utero, dernier ouvrage de Julien Blanc-Gras sorti à l’occasion de la rentrée littéraire de Septembre 2015 est un récit peu commun. Il relate en effet les émotions et les sensations, les peurs, les doutes mais aussi heureusement les joies, du narrateur durant les 9 mois de grossesse de « la Femme ». En somme, c’est le journal intime d’une grossesse mais écrit par un homme.
L’accouchement est douloureux. Heureusement la femme tient la main de l’homme. Ainsi, il souffre moins » Pierre Desproges
Globe-trotter infatigable, l’auteur voyageur nous propose cette fois une aventure particulière: point d’ile déserte ou de paysages au fin fond de l’Afrique ou de l’Amérique du Sud (même si rassurez-vous on a quelques chapitres sur ces périples), mais les 9 mois de grossesse de la Femme allant du test de grossesse positif à l’accouchement.
« J’écris ce livre pour apaiser mes angoisses en les formulant. Tenir ce journal de grossesse participe du processus d’acceptation. Je suis dans la position de l’explorateur, je découvre un continent en formation, celui de la Paternité. Je m’embarque dans le plus long, le plus puissant, le plus indélébile des voyages, je vais rencontrer des obstacles inconnus. La grossesse dure neuf mois pour permettre au fœtus de se développer et au père de se préparer. Je change de peau, ces mots sont le produit de ma mue. Des lambeaux de moi s’effritent, d’autres s’agrègent pour constituer une nouvelle personnalité. Ce sera l’histoire de la transformation de l’homme en père. »
La première partie est jubilatoire. J’ai beaucoup apprécié la plume de l’auteur maniant spontanéité, humour, ironie et dérision. On a fréquemment le sourire aux lèvres et même parfois de bons fous rires! Comment ne pas apprécier toutes ces petites anecdotes livrées sans chichis, ni pathos, la franchise du père sur ces interrogations, sa volonté de faire rire et de rassurer la mère dans ses doutes. On tourne les pages avec frénésie et on arrive au milieu du livre sans s’en apercevoir!
J’apprends que plus de 800 000 enfants naissent chaque année en France. Notre système social, nos crèches et nos congés maternité contribuent à ce taux de fécondité élevé pour une nation occidentale. La grossesse interdit pourtant la consommation de vin, de cigarette, de charcuterie et de camembert, tous les plaisirs d’art de vivre à la française. Je crois qu’il convient de saluer l’abnégation des femmes de ce pays.
On reproche souvent aux écrivains français de se focaliser sur leur propre nombril. Je vais me concentrer sur celui de la Femme.
La suite est un peu plus sérieuse, même si l’humour reste omniprésent et que cela se lit toujours rapidement et facilement. Le ton employé est le point fort du livre: sans donner l’impression de se prendre au sérieux, ni de l’être, Julien Blanc-Gras aborde aussi des sujets sensibles, voire très sensibles. Il traite notamment de la perte d’un enfant, du mariage pour tous, du monde que nous allons laisser à nos enfants, de l’Histoire.
Voir ses parents partir est dans l’ordre des choses. Un enfant qui perd ses parents est un orphelin. Il n’existe pas de mot pour désigner le parent qui perd un enfant: ce vide est indicible. Si avoir un enfant constitue le plus grand des bonheurs, c’est aussi s’exposer au plus grand des malheurs.
Cette année, la famille revient au centre des enjeux de société. Des hordes manifestent pendant des mois en répétant « un papa, une maman ». Le France est déchirée entre ceux qui veulent accorder l’égalité aux homosexuels et les autoriser à adopter, et ceux qui, peu ou prou, considèrent les pédés et les gouines comme des sous-citoyens. C’est une bataille de l’enfant qui se joue dans les rues.
Des marmots sont enrôlés par leur famille pour scander des slogans homophobes. Statistiquement, une partie d’entre eux se découvrira homosexuelle à l’adolescence. Ils se rendront alors compte qu’ils sont ce qu’on leur a appris à détester. Drôle de conception de la protection de l’enfance. Bonne chance, mes petits gars.
Pourquoi vouloir se reproduire aujourd’hui, alors que nous sommes bien informés sur le sacré paquet d’emmerdes que cela représente
La structuration du livre (de très courts chapitres), le style adopté (objectif, pudique, avec des mots simples) et l’écriture fluide font de cette lecture un moment très agréable. Les 180 pages pleines de tendresse et d’émotion sont une superbe déclaration d’amour à la Femme et à l’enfant.
Pour ma part, c’est un beau succès. Je vous le recommande.
4/5
ça a l’air génial ! je n’en avais pas encore entendu parler, je note 🙂
L’effet sera certainement différent chez une femme, mais oui c’est très sympa comme bouquin 🙂