Le testament de Marie est le dernier roman traduit en français de l’auteur irlandais mondialement reconnu Colm Toibin.
Je remercie les éditions Robert Laffont pour cette lecture numérique.
La littérature irlandaise me réussit en cette rentrée littéraire 2015. Après La neige noire de Paul Lynch, le Testament de Marie est un nouveau coup de cœur.
Court roman d’à peine plus de 120 pages, le dernier opus de Colm Toibin bouscule, marque, interroge, perturbe… et raisonne encore longtemps après avoir tourné sa dernière page. Il est d’une force et d’une puissance inouïes! Je pense que je ne suis pas prêt d’oublier cette lecture poignante et intense.
Le sujet du livre a déjà été abordé par d’autres (parler de Jésus, des événements connus de tous tels les noces de Cana, la résurrection de Lazare et sa crucifixion n’est pas novateur) mais la façon de le traiter est aussi originale qu’ambitieuse. En effet Colm Toibin donne la parole à Marie en tant que « mère ordinaire d’un enfant », une mère comme les autres, une mère « normale » qui souffre et veut protéger son fils.
« Je me souviens de trop de choses ; je suis comme l’air par un jour sans vent, qui se contient lui-même, immobile, et ne laisse rien échapper. Je contiens la mémoire de la même façon que le monde retient son souffle. »
Cette dernière va se confier lors d’un long monologue à la première personne devant ses 2 gardiens (que l’on suppose être 2 apôtres) dans un texte émouvant, touchant et souvent dense. Elle va nous exprimer ces doutes face aux agissements de son fils (qu’elle ne nommera jamais) qu’elle ne comprend plus mais également son amour maternel dont elle ne se départira jamais.
« L’homme qui ne me prêtait aucune attention, qui n’entendait personne. L’homme puissant qui semblait avoir perdu tout souvenir de ces années où il avait eu besoin de mon sein pour boire le lait, de ma main pour le guider, de ma voix pour l’apaiser et le conduire au bord du sommeil. Et la puissance de cet homme avait cela d’étrange qu’elle me faisait l’aimer et me donnait envie de le protéger plus encore que du temps où il ne la possédait pas. »
Elle partagera aussi ses remords, sa culpabilité de mère face à son impuissance. Ce point de vue différent est réellement très intéressant et convainquant. Il conviendra à la fois aux croyants (même si je pense que beaucoup auront du mal avec ce livre; Gardons en tête que c’est un roman et non un pur récit historique ou spirituel) et aux athées car s’il est plus « terre à terre » (on pourrait dire que c’est un roman laïc), il n’est pas pour autant dépassionné.
«J’étais là. Je me suis enfuie avant la fin, mais si vous voulez des témoins, alors je suis un témoin, et je peux vous le dire à présent. Vous affirmez qu’il a sauvé le monde, mais moi, je vais vous dire ce qu’il en est. Cela n’en valait pas la peine. Cela n’en valait pas la peine.»
L’écriture est sublime, d’une force et d’une violence que j’ai rarement rencontrées dans mes lectures. On prend une vraie claque. On est immergé dans le texte, limite hypnotisé par la beauté des phrases. C’est le très gros point fort du livre. Je l’ai lu quasiment d’une traite en dégustant chaque page, chaque phrase, en prenant vraiment mon temps. C’est très dense (peu ou pas de dialogue) mais la lecture reste fluide, limpide. On ressent parfaitement la tristesse, la douleur et la culpabilité de Marie.
« Car le monde est un lieu de silence, et quand tombe la nuit, après le départ des oiseaux, le ciel est un vaste endroit silencieux. Aucune parole ne fera jamais la moindre différence au regard du ciel de nuit. […] Je dis la vérité non pas parce que cela va changer la nuit en jour ni rendre infinie la beauté des jours, la grâce et le réconfort qu’ils nous offrent, à nous qui sommes vieux. Je parle simplement parce que je le peux, parce qu’il s’est produit suffisamment de choses et que l’occasion ne se représentera peut-être pas de le faire. »
Il m’est réellement très difficile de parler de cet ouvrage si atypique. Il m’a réellement subjugué et durablement marqué. Je ne peux que vous conseiller de lire Le Testament de Marie: une vraie, grande et belle réussite de cette rentrée littéraire. Il ne faut surtout pas passer à côté de cette lecture.
5/5
C’est vraiment un roman magnifique 🙂
Je confirme Lea! J’ai essayé de le faire ressortir dans ma chronique (que j’ai modifié à de multiples reprises depuis hier midi) mais ce n’est réellement pas évident. Le meilleur des conseils est lisez le! vraiment…
« Une vraie claque » c’est tout à fait ça.
Cette mère toute simple m’a vraiment beaucoup touchée.
Idem. Du coup, compliqué de l’exprimer pleinement par écrit…
Ecriture magnifique, c’est certain. Pourquoi n’ai-je pas réussi à entrer dedans. Je sais que je l’ai lu dans de mauvaises conditions (en voiture sur le retour des vacances) mais cela n’explique pas tout. Je pense que le.texte est trop court pour moi. Ou alors, inconsciemment, j’ai rejeté cette banalisation du sacré. Mais j’avais aimé Le royaume d’Emmanuel Carrère. Bon bref, il faut que je le relise au bon moment.
Il est clair qu’il faut également être ouvert d’esprit pour lire ce petit opus je suis ok avec toi.
[…] fois de Charlotte Milandri. Pas de déception ce mois-ci mais un gros coup de cœur pour Le testament de Marie, une note maximale pour Quelqu’un pour qui trembler et de très belles notes pour Appartenir […]