L’inconnue de la factory – Basile Panurgias

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l'inconnue de la factory - Basile Panurgias Editions HERODIOS

L’inconnue de la factory est déjà le dixième roman de Basile Panurgias qui a également publié 6 essais. D’origine grecque, l’auteur a été successivement assistant-réalisateur, marin et maître conférencier avant de se consacrer pleinement à l’écriture et au journalisme.

Je découvre sa plume à l’occasion de cette rentrée littéraire si atypique.

Lu en avant-première dans le cadre des explorateurs de la rentrée littéraire, je remercie les Editions Herodios, Karine Papillaud ainsi que Lecteurs.com pour cette belle aventure.

« Quand je lui parlais de mon passé, j’évoquais l’Alvise de New York, une autre personne, un jeune ambitieux prêt à peindre toutes les enseignes de restaurants possibles, comme d’autres taguaient les coins des rues. Et maintenant, cette apparition inattendue par SMS de celle qui s’appelait Meg. Je n’étais pas disposé à partager cette information explosive, mais pas fier non plus de garder le silence. »

Le rêve américain

Alvise, le narrateur, est né et vit à Venise. Il travaille dans l’entreprise familiale qui fabrique et vend des fórcole, ces pièces de bois à la forme si particulière, fixées sur chaque bord des gondoles pour y soutenir les rames. Sur une proposition de son père, il s’expatrie aux États-Unis pour développer la vente des productions familiales à New York.

Alvise va ainsi vivre le fameux rêve américain. Les vies et les nuits new-yorkaises ne sont pas de tout repos. Grâce à des descriptions détaillées, des chapitres courts et un rythme haletant, le lecteur accompagne Alvise dans ce New York ne se reposant jamais, si cosmopolite et vivant des années 1990.

Alvise en profite de plus en plus, et s’aperçoit assez vite que la typographie l’intéresse bien plus que le commerce des fórcole.   

Et puis, un soir la rencontre… qui est cette inconnue de la factory.

Le caillou dans la chaussure, la brindille qui dévie la trajectoire, l’obsession de la retrouver… l’amour !

Et bim ! Retour précipité à Venise ! « Deuxième vie », bien différente de la précédente… Alvise va-t-il la retrouver ? Je n’en dirai pas plus et vous laisse découvrir la suite.

« […] Son projet n’était valable que pour sa qualité symbolique. Dans cette soirée, j’étais l’un des rares qui gagnaient sa vie en travaillant. C’est-à-dire dont le salaire était proportionnel au travail accompli. Margherita ne voulait surtout pas gagner sa vie avec son shampooing. Elle désirait simplement avoir un projet qui la maintiendrait ici quelques années, tout succès la figerait, alors que le but était d’accumuler des expériences new-yorkaises pour faire du storytelling. Après son semi-échec volontaire et le retour inévitable à Venise, elle verrait… »

Les apparences

Au moyen d’une intrigue somme toute classique, Basile Panurgias met en exergue les différences notables entre le modernisme des États-Unis des années 90 et l’historique traditionaliste Venise. Réalité ou apparence ? Un bien ou une catastrophe ?  Chacun se fera sa propre opinion.

Alliant ironie et plume acérée, l’auteur semble dénoncer ce côté si contemporain (néfaste !?) de l’image. Plusieurs passages me viennent en tête, le premier étant la citation que j’ai reproduite ci-dessus. Les différences sont en effet notables entre le « Nouveau Monde » et le « vieux continent ». Les états d’esprits américains privilégient davantage l’instantané, le temps court, la vision à court terme alors que les Européens sont plus pragmatiques, plus conservateurs avec de grands projets à long terme.

« C’était juste un échange dans un bar, il faut dire qu’elle ne me regardait pas dans les yeux, fixant la porte d’entrée dans l’attente de son petit ami. Il y avait un décalage dans notre échange, j’avais l’impression de répondre toujours à côté. Ou bien ne me comprenait-elle pas ? Après avoir épuisé ce bavardage, je finis par lui parler des forcole, mais mes explications furent laborieuses. Des années plus tard, j’appellerais ce genre de rencontre un instant new-yorkais, un échange léger avec un ou des inconnus qui rende la solitude moins lourde, un lien toujours sous-tendu par l’illusion d’appartenir à la ville la plus incroyable du monde. »

Il en est de même lorsque l’auteur aborde la jeunesse. Pour s’intégrer parfaitement, Alvise l’étranger doit « faire comme les autres ». Vivre son instant new-yorkais pour que la solitude soit moins pesante, pour ne pas rester en marge de la société.

Les thèmes sont abordés, détaillés (les portraits sont notamment superbes) et explicités, mais point de jugement ou de pathos. À chacun de faire sa propre introspection.

« La signora Fiorini me tendit une lettre, écrite rapidement par Claire. Elle partait pour Londres. Aller simple. Elle ne m’en voulait pas, mais il fallait choisir dans la vie. Le passé ou l’avenir. Les fantasmes ou la réalité. La porte de son appartement londonien m’était ouverte si je choisissais la réalité. »

De multiples questions

Si la lecture est fluide et peut sembler relativement basique, le livre est-il aussi simple pour autant ? À l’instar de nombreux autres opus, l’inconnue de la factory peut-être lu à plusieurs niveaux. Personnellement, j’y ai trouvé un appel aux questionnements sur la vie, une introspection sur ses choix.

Faisons-nous les choses en fonction des autres ou vit-on pour soi ? Est-on contraint ou est-on entièrement libre ? Que cela soit d’ailleurs dans le domaine professionnel comme je le relatais plus tôt dans cette chronique dans le paragraphe relatif aux apparences que dans le domaine personnel.

Comme Basile Panurgias l’écrit ci-dessus, la lettre de Claire est une véritable claque, un électrochoc. Alvise prend enfin ainsi conscience qu’il ne vit plus pour lui, mais que depuis trop longtemps il vit en fonction d’une autre… Aveugle ? Ou plutôt « prisonnier du passé » ?

« Nain ou enfant, il est libre et les autres ne le sont pas. »

Libre… dans sa tête… de faire ce que l’on veut, comme on veut… Libre de vivre sa vie, libre de faire ces propres choix… libres de penser ce que l’on souhaite sans jugement ou avis imposé…
Être libre, c’est vivre ! Ne serait-ce pas là le message qu’a souhaité nous transmettre Basile Panurgias dans L’inconnue de la factory ?

Des voyages et séjours dans des lieux mythiques, des interrogations sur la vie, l’amour, le monde… un roman maîtrisé et par conséquent une lecture aussi agréable que captivante tant Basile Panurgias réussit à intriguer son lecteur tout au long du roman.

Je vous le conseille.

3,5/5

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