Rassemblez-vous en mon nom – Maya Angelou

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Rassemblez-vous en mon nom - Maya Angelou

Rassemblez-vous en mon nom (Traduction assurée par Christiane Besse) est considéré comme le second tome autobiographique de Maya Angelou. Je connais l’auteur et surtout sa réputation, mais n’avais jamais eu l’occasion de la lire. C’est par conséquent avec intérêt et attente que j’ai ouvert cet opus à la couverture très réussi.

Je ne me fie jamais aux bandeaux et autre 4ème de couverture et pourtant… quand on lit Michelle Obama ou Christiane Taubira, comment rester indifférent.

Lu en avant-première dans le cadre des explorateurs de la rentrée littéraire, je remercie les Editions Noirs et Blancs – Notabalia, Karine Papillaud ainsi que Lecteurs.com pour cette belle aventure.

« Alors que la confiance totale d’un enfant peut transformer un père ou une mère, le sourire de Guy (maman disait qu’il riait énormément pour un bébé) et son merveilleux caractère perdirent leur pouvoir magique de me rendre heureuse. Il croyait en moi, mais c’était un bébé, et j’avais perdu toute foi en moi-même. Ma tête restait haute par habitude, mais mes derniers espoirs avaient fui. Chaque route hors du labyrinthe s’était révélée une fausse sortie. Mon imagination autrefois débordante se refusait à produire un seul rêve de plus. Mon courage s’effilochait. Hélas ! la force d’âme n’était pas comme la couleur de ma peau, acquise une fois pour toutes et mienne à jamais. Il fallait la ressusciter chaque matin et l’exercer avec soin. Il fallait aussi la nourrir de quelques succès. »

Vivre

Le récit de Rassemblez-vous en mon nom se déroule aux Etats-Unis et plus précisément à San Francisco à la fin des années 1940. Marguerite est une jeune femme noire de 17 ans et déjà maman d’un jeune homme. Elle n’est ni totalement mère, ni totalement adolescente. C’est une mère enfant, une fille mère en quelque sorte.

Néanmoins, elle n’a peur de rien, ne recule devant rien. Le lecteur l’accompagne dans son combat pour la vie durant son adolescence. Dès les premières pages, on subodore qu’elle ne baissera les bras devant rien, qu’elle est prête à tout pour vivre, pour survivre et pour l’indépendance de sa famille.

Et pourtant, jeune, noire, maman… aux Etats Unis à cette époque, ce n’est pas de tout repos ! On devine une vie chaotique, des nombreuses aventures et désillusions.

Serveuse, Cuisinière, danseuse, tenancière de bordel, c’est-à-dire proxénète, péripatéticienne… un panel des différents métiers, de jobs alimentaires comme diraient les jeunes aujourd’hui, qu’elle fera durant les deux années déroulées dans le livre.

Féminisme incarné, Marguerite s’impose dans un monde dominé par les hommes et par les blancs malgré de très nombreuses péripéties que je vous laisse découvrir.

« Une artiste, j’en étais persuadée, protégeait et conservait son moyen d’expression. Pianistes, batteurs, joueurs de cor ou de saxophone, tous prenaient soin de leurs instruments. En tant que danseuse, mon corps me servait d’outil. Je ne pouvais permettre à un individu quelconque de s’envoyer en l’air avec mon matériel. »

Une grande fluidité

5 pages, 10 pages, 50 pages, 100 pages… oups j’en oublie même de publier mon avis intermédiaire de la page 100 tant je suis dedans. C’est fluide, c’est très facile à lire et en même temps, cela suscite autant d’empathie que d’interrogations.

Le lecteur ne peut que s’identifier à l’héroïne qui va de l’avant quel que soient les moyens et les pièges sur son chemin. Travestissement de la vérité, arrangement de cette dernière, pure invention, pire mensonge, Marguerite use de tous les stratagèmes possibles et imaginaires pour travailler. Tout est assumé, tous les moyens sont mis en œuvre pour arriver à ses fins : survivre, faire preuve de son existence par elle-même, pour elle-même et le bien-être de son fils.

Son immense volonté, sa farouche détermination est sa force absolue. Et l’écriture de Maya Angelou retranscrit parfaitement cette dernière.

Quelle voix, quelle énergie, quelle sensibilité dégagée au fils des lignes. Le style est autant poétique que brutal, recherchée ou plus cru. On dévore les chapitres de Rassemblez-vous en mon nom avec gourmandise et appétit. La curiosité laisse rapidement la place à l’addiction tant c’est passionnant et captivant.

Maniant humour et franc-parler, Maya Angelou livre un récit romanesque sincère et riche, honnête et sans artifice. Cerise sur le gâteau : les livres et la lecture sont omniprésentes, les références littéraires nombreuses.

« L’écrasant manque de sécurité de la jeunesse et la suspicion innée entre les deux sexes militent contrent la survie de l’espère, et, pourtant, les hommes légalisent leur tringlage et les femmes se vengent durant toute une vie des jours désespérés de l’insécurité, tout en faisant des enfants, de façon que le processus se renouvelle et continue de fonctionner. Hélas ! »

Rassemblez-vous en mon nom, un livre indispensable

Rassemblez-vous en mon nom est une œuvre hors du commun. Il en devient une lecture indispensable selon moi. Émouvant et combattant, véritable témoignage engagé pour l’affirmation de soi, la reconnaissance de son existence.

Il est également la preuve que tout est possible quand les moyens sont mis en œuvre, quand les choses sont désirées plus que tout et surtout que l’abandon n’est pas un mot présent dans le dictionnaire cérébral.

Nous ne pouvons mettre un mouchoir sur l’état de l’Amérique post seconde guerre : racisme, relents ségrégationnistes, …

Bien entendu, ce n’est « qu’un témoignage parmi tant d’autres », bien sur mon avis est subjectif et ne sera pas partagé par tous (et heureusement). Cependant, quelle pépite ! Que ces mots sont forts, que les mots sont explicites, quel plaidoyer ! Il n’est réellement pas anormal que Maya Angelou soit une référence et une fierté pour la jeunesse noire tant son témoignage est remarquable.

« Ne montre jamais aux Blancs ce que tu penses. Si tu es triste, ris. Si ton cœur saigne, danse. »

Passionnant, addictif, inspirant, émouvant et si sensible, Rassemblez-vous en mon nom est un de mes coups de cœur de cette rentrée littéraire si particulière. Ne passez pas à côté de ce bijou de littérature américaine. Je vous le recommande très fortement.

Coup de cœur 5/5

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