A la table des hommes, dernier livre de Sylvie Germain, est un conte fantastique et philosophique contemporain dénonçant la violence des hommes.
« Quand le péril s’éloigne, le galop ralentit, le corps retrouve son ardeur, le monde son attrait, la vie son innocence, la liberté sa saveur »
Je remercie Aurore et les éditions Albin Michel pour l’envoi de ce livre et cette lecture en avant-première.
Babel est un porcelet, seul survivant avec une femme, de la guerre. Babel a perdu sa mère truie et la femme a perdu son enfant. Elle va donc considérer Babel comme son enfant, l’allaiter avant d’elle-même disparaitre… Babel perdra donc deux mères avant de renaitre sous forme humaine suite à sa rencontre avec un jeune homme blessé.
« Il ignore où il va ; comment le saurait-il ? Il ignore tout autant où il est, ce qu’il est, ce qu’il fait. Il avance dans un monde soudain frappé d’extrême étrangeté »
Par la suite, le « jeune homme-animal atypique », si différent des autres, lui qui n’est « ni beau, ni laid », lui qui ne sait parler, va attirer compassion et protection, mais également être confronté à la violence des hommes (il sera notamment souffre-douleur). Il devra voyager pour fuir avec Yelnat, un vieux clown sauvage et trouve refuge chez deux frères, Clovis et Rufus.
Après avoir étudié les dictionnaires, il deviendra Abel et sera mieux intégré dans la vie des hommes, sans pour autant s’y sentir à son aise. Quoiqu’il arrive, l’homme est toujours dévastateur. Il n’aura véritablement qu’une seule amie, sa corneille Doudi.
« Mais dans le même instant, la pensée de Doudi lui revient en force et son absence lui fait l’effet d’une morsure. La compagnie de la corneille, et celle des bêtes qu’il croisait, parfois côtoyait dans la forêt, lui manquent d’un coup terriblement. Jamais, auprès d’elles, il n’a connu l’angoisse, la méfiance, la déception ou la solitude, si l’une est hostile, agressive, la menace est manifeste, si l’une se laisse approcher, amadouer, son innocuité est réelle, elles ne feignent pas, ne trichent pas. Jamais surtout il n’a souffert de ne pas partager à égalité leurs langages faits de sons, de chants, de cris, ce qu’il en entendait en en devinait lui suffisait. Avec les humains, rien de tel, tout est toujours compliqué, équivoque et souvent inquiétant »
En bon scientifique, je suis pragmatique et aime bien tout ce qui est carré. Je ne suis par conséquent pas « fan » de fantastique, et cette lecture me le confirme. Si j’ai bien aimé la première moitié du livre (la première partie est très intéressante, l’auteur sait parfaitement poser le sujet de son roman et captiver le lecteur), j’ai eu beaucoup plus de mal avec la suite. Je me suis même détaché petit à petit et suis malheureusement resté à distance des personnages, exception faite de Babel/Abel.
Ce n’est pourtant pas à cause de l’écriture de Sylvie Germain : elle est tout simplement sublime. Pas toujours abordable du fait de l’utilisation de mots rares et d’un style riche, ampoulé, très littéraire qui oblige le lecteur à des efforts de compréhension, elle est belle, poétique, relativement fluide dans l’ensemble…
« Il pousse plus loin ses incursions dans le bois, le groin frémissant au ras du sol, sans cesse à l’affut de quelque nourriture. Il fouit la terre amollie par la pluie, déterre des racines de plantes, exhume des vers, des larves, avale pêle-mêle des végétaux spongieux, des feuilles moussues, des insectes, il se désaltère à des flaques d’eau. Vers le soir, peu rassasié, il revient vers ce qui lui tient lieu de soue. »
Elle est également très descriptive et imagée.
« C’est un bâtiment rectangulaire, aux murs en torchis soutenus par des poutres. Sa toiture de tuiles est rongée par le lierre et la mousse, maculée de fientes blanchâtres, elle se confond avec les feuillages des arbres alentour. Ce vieux lavoir laissé à l’abandon pendant des décennies et qui menace ruine a repris depuis peu du service. »
Elle est enfin piquante et acerbe quand il s’agit de dénoncer (et condamner) l’orgueil des hommes. Citons notamment le traitement de l’épisode de la vache folle.
« Admirable subterfuge de l’homme putassier : mettre ses crimes à la charge de ses victimes ! Les animaux exterminés par millions ont en effet été désignés comme responsables de l’épidémie survenue, coupables de l’empoisonnement même qu’ils avaient subi. Et ce sont les vaches infectées qui ont été traitées de folles, taxées de démence dangereuse, tandis que les hommes contaminés pour avoir mangé de leur viande viciée ont reçu une qualification plus noble, celle d’une maladie portant les noms de deux neurologues : Creutzfeldt et Jakob. Aux bêtes, l’insanité, l’abrutissement et le soupçon de dangerosité. Aux hommes l’intelligence, le savoir, la science, le sérieux. »
Au moyen de cette fable moderne aux accents philosophiques, l’auteur présente et dénonce un monde violent, irrespectueux où les hommes font régner la cruauté et la violence, se combattent et s’entretuent. C’est relativement noir mais pas entièrement pessimiste. On y trouve par endroit beauté, générosité, entraide et bonté. Même si je n’ai pas totalement accroché, cela reste intéressant et je ne doute pas que cet ouvrage trouvera son public.
3/5
L’avis de Jostein et de Sylire
J’avais été super déçue par le précédent « petites scènes capitales », j’avais même presque détesté ! Y compris l’écriture pompeuse et ampoulée…la, je sais que je passe mon tour.
Clair pour l écriture… Mais elle est aussi fort belle. C était une découverte pour moi, on verra pour le suivant… Pas sûr non plus
il m’attend
Bonne lecture Clara 😉
son écriture est si belle !
[…] Une demi-déception pour A la table des hommes de Sylvie Germain, un gros coup de cœur pour En attendant Bojangles de Olivier Bourdeaut (que […]