Dans son dernier roman, Christian Garcin s’intéresse à Jeremiah Reynolds, aventurier américain ayant réellement existé mais qui est resté relativement modeste et anonyme malgré une influence notable dans le milieu littéraire comme nous allons le voir plus loin. C’est donc un roman biographique puisque inspiré de faits réels que nous propose ici l’auteur.
Je remercie les Editions Stock pour cette lecture numérique en avant-première.
« Une fois de plus, l’inaction lui pesait, et il broyait du noir. Une fois de plus, il se penchait sur son passé, et n’y voyait que regrets et désillusions. Il se disait qu’il n’y avait eu que deux périodes de sa vie qui l’avaient vraiment exalté, et elles étaient liées aux deux chimères qu’il avait poursuivies, ou qu’il aurait voulu poursuivre : la Terre creuse de John Cleves Symmes Jr et le cachalot blanc de Samuel L. Lewis. La parenthèse chilienne n’avait été, précisément, qu’une parenthèse, une bifurcation imprévue du cours de ses jours, une erreur d’aiguillage consécutive à des paroles vexantes adressées par un ivrogne provocateur et stupide à un autre ivrogne, susceptible et armé. Cela n’aurait pas dû arriver, se disait-il. Cela n’était pas prévu »
Comme beaucoup je pense, je n’avais jamais entendu parler de Jeremiah Reynolds. Et pourtant, après avoir tourné la dernière page de cette belle et exaltante aventure, quel incroyable destin cette homme a eu! Il est réellement étonnant qu’il soit à ce point tombé dans l’oubli.
Chaque chapitre de ce court récit dépeint une période de sa vie: conférencier, navigateur, aventurier, militaire, écrivain, … il voyagera durant trois décennies jusqu’à sa mort en 1859. Impossible pour lui de rester en place: il fallait systématiquement qu’il bouge. Adhérant aux théories de la Terre creuse de John Cleves Symmes Jr. avec qui il fera des conférences, il ira jusqu’en Antarctique, avant de côtoyer les indiens Mapuches du Chili, puis de publier en 1839 Mocha Dick, ou la baleine blanche du Pacifique. Ce dernier aurait pu avoir inspiré Moby Dick de Herman Melville. Il rencontra également Edgar Allan Poe sur qui il aurait également eu une vraie influence et Samuel L. Lewis. Sa vie fut une aventure permanente.
« Il fut surpris de constater que le jeune poète connaissait John Cleves Symmes et sa théorie de la Terre creuse, et qu’il avait lu Symzonia. Poe quant à lui fut à la fois admiratif et impressionné par son ainé, tant par la richesse et les étonnantes péripéties de sa vie que par sa manière précise, calme et intense à la fois, de présenter les choses, et par la teneur, la profondeur parfois, de ses propos, qui témoignaient d’une évidente connaissance de la littérature et de la poésie – ce que plusieurs conversations entre les deux hommes confirmèrent par la suite. »
Les pages se tournent rapidement tant l’écriture est limpide, discrète, précise et belle. C’est un des gros points forts du livre. De longues phrases bien construites, fluides, des mots choisis à bon escient tout comme les temps des verbes donnent beaucoup de force à cet opus. Un vrai régal de lecture!
La plume est également très évocatrice, ce qui permet au lecteur de se mettre aisément à la place du héros, de partager son désir d’ailleurs, de ressentir sa mélancolie ou la noirceur des événements.
« Personne, si flegmatique et insensible fût-il, ne pouvait contempler pour la première fois la gloire et la majesté qui nous environnaient sans en éprouver une intense excitation. Nous avions souvent lu, dans les récits de Ross, Parry et Franklin, diverses considérations sur la beauté sublime des régions polaires, les énormes montagnes de glace, les îles flottantes qui s’élèvent jusqu’aux nuages et atteignent des profondeurs insondables, « lugubres dans leurs linceuls de brume ». L’amour de l’aventure, que nous éprouvions avec force et intensité, était devenu la passion maîtresse de nos âmes. Air doux et climats tempérés n’avaient que peu d’attrait pour nous. Depuis longtemps nous attendions avec impatience de pouvoir admirer les royaumes de la neige et de la « glace épaisse », et à présent, pour la première fois, inhalant le souffle froid des icebergs polaires qui se dressaient autour de nous, face à leur grandeur effrayante et sublime, nous accomplissions tout ce dont nous avions rêvé »
On ne voit pas le temps passer. Avec peu de temps mort ou longueur, on est accroché du début jusqu’à la fin même si les derniers chapitres m’ont légèrement embrouillé. Il était temps que cela se termine pour moi…
Qu’est ce qui est vrai? Qu’est ce qui est faux? Finalement ce n’est pas si important que cela tant on est emporté par ce conte captivant.
Ce roman-récit est un véritable voyage, mêlant aventures et utopies, servi par une superbe plume. Pouvant s’assimiler à un roman d’aventures, je ne regrette pas d’avoir fait la connaissance de Jeremiah Reynolds et remercie Christian Garcin pour cette belle biographie. Idéal pour s’évader et s’instruire durant quelques heures, je vous conseille Les vies multiples de Jeremiah Reynolds.
4/5
A priori pas tentée par le sujet, ton avis donne pourtant envie de suivre cet infatigable.
J’ai beaucoup aimé ce livre et sa construction.
Ma prochaine lecture. J’adore ce genre de récit qui mêle histoire et aventure.
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Je trouve moi aussi que ce roman est «Un vrai régal de lecture!» Encore bravo. Je suis ravi de suivre ce blog et d’en conseiller les chroniques http://urlz.fr/3i30
Merci beaucoup 🙂 J’en ai d’autres à vous conseiller! Mais je manque de temps en ce moment… regardez du côté de La Veillée de Virginie Carton, Charles Draper de Xavier de Moulins, L’ombre de nos nuits de Gaëlle Josse. Vous ne serez pas déçu!!!