Chien-Loup – Serge Joncour

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Quelle joie de retrouver un nouveau roman de Serge Joncour, surement un des plus grands conteurs, si ce n’est le plus grand, aujourd’hui dans le panorama littéraire français.

J’ai de plus eu la chance de le découvrir en avant-première à la suite d’une opération Masse Critique privilégiée. Je remercie Babelio et Flammarion pour l’envoi de cette opportunité.

« Il y a parfois des lieux qui nous mettent mal à l’aise dès qu’on y met les pieds, et d’autres qui nous accueillent, qui vous adoptent, comme s’ils nous attendaient. »

Chien-Loup est un formidable roman d’aventure à l’instar de ceux de Jules Verne par exemple ou de l’appel de la forêt de Jack London (j’ai souvent pensé à lui durant ma lecture). C’est aussi du pur Joncour: une belle histoire, totalement maitrisée, bien construite et bien documentée, une écriture et un style très caractéristiques. Très descriptive et immersive, la première vous permettra de vivre le roman comme si vous étiez sur place tant les comparaisons sont nombreuses et les lieux ultra-détaillés. Le style alliant humour et sérieux permet quant à lui de faire passer de nombreux messages et incite forcément le lecteur à la réflexion.

« La colline se dressait comme une île au milieu d’un océan de verdure, de là-haut on embrassait tout un territoire de collines semblables, paraissant se prolonger à l’infini. Sans descendre de la voiture ils découvrirent ce décor dans un parfait éblouissement. A partir de la une émotion les souleva, comme s’ils venaient de traverser une phase ultime de la stratosphère et qu’ils se hissaient au-dessus de la quotidienneté du monde. »

En un mot comme en cent : vous ne serez pas dépaysé et reconnaitrez sans souci l’auteur dès les premières lignes englouties.

Cela a comme souvent avec Serge Joncour pour conséquence que l’on dévore le livre même si le début est extrêmement lent… Il y a de nombreuses répétitions et longueurs, et donc le lecteur peut rapidement être lassé… je vous conseille fortement d’être persévérant néanmoins. Savourer et profiter de chaque ligne et chaque paragraphe vous ne serez pas déçu. Tout cela est en effet nécessaire pour ralentir la cadence, s’immerger dans le calme et la tranquillité du décor.

En effet de quoi parle-t-on ?

« Ce qu’il découvrait grâce à ce gîte, c’est qu’il existe une forme de solitude gratifiante et que de cet isolement il est possible de retirer une plénitude. Tout au long de l’année il était entouré de monde, mais seul face à de multiples décisions à prendre, seul face à ses collaborateurs, seul face à ses partenaires financiers et à quantité de personnes qui lui demandaient sans cesse des comptes et qui d’une certaine façon le cernaient. »

L’auteur déroule deux histoires en parallèle. Distinctes en apparence, le lecteur y trouvera pourtant de très nombreuses similitudes et complémentarités.

La première se déroule durant la première guerre mondiale en 1914 à Orcières, charmant petit village du Quercy. En cette époque particulière de la Guerre, Serge Joncour met en exergue le rôle majeur des femmes qui « tiennent la baraque » alors que leurs hommes, fils, cousins, … sont sur le front. Outre leurs tâches quotidiennes récurrentes, elles doivent entretenir la ferme, les cultures (l’agriculture d’antan était loin d’être aussi aisée que celle d’aujourd’hui, les outils étant manuels et conçus pour les hommes), s’occuper des plus petits mais également des plus anciens. Et plus particulièrement Joséphine, veuve de guerre, qui va entretenir des relations avec l’étranger, l’allemand dompteur de fauves, l’énigmatique Wolfgang.

La seconde se passe en 2017. Lise et Franck viennent passer des vacances loin du bruit parisien, convaincus par l’annonce arguant que le calme et la paix étaient assurés dans cette demeure. Ils ne sont pas au bout de leurs surprises… et si Lise baigne comme un poisson dans l’eau dans cet environnement, Franck, businessman hyperactif a beaucoup de mal. Et pourtant…

« C’est peut-être ça un couple, avoir irrémédiablement besoin de l’autre, être fondé en partie sur lui, sachant que selon les circonstances, ce sera à l’un ou à l’autre d’assurer, en fonction des échecs et des réussites, sans quoi il n’y aurait plus d’équilibres. »

Au-delà de l’intrigue, Chien-Loup est surtout pour moi un roman à messages. Un texte qui cherche à faire réfléchir sur la violence du monde actuel. Est-il d’ailleurs plus sauvage que l’animal ? En creux, c’est ce qu’il m’a semblé comprendre dans la dissertation de Serge.

Cette réflexion sur l’homme, sa part animale… la nature donc le calme, les traditions, la durabilité et la solidité vs le monde numérique moderne hyperconnecté, hyper rapide, l’instantanéité et donc le côté « jetable » de beaucoup de choses, dans lequel l’image est reine et prend le pas trop souvent sur la réflexion… c’est subtilement et superbement étayée par l’auteur. Tout cela contribue-t-il à notre bonheur ? notre bien-être ? Il suffit de regarder dans la rue : chacun a son téléphone portable greffé à son oreille! Rater un courriel, une notification, une information… seraient une catastrophe pour une grande majorité.

Et finalement, qu’est-ce que cela nous rapporte en comparaison aux vrais relations humaines, aux discussions contradictoires, à la sérénité de lire dans le calme absolu de la nature ? Le monde est devenu fou, brutal, sauvage… pire qu’un chien-loup !

Un grand bol d’air pur qui fait un bien fou. Je pense que je me plairais beaucoup dans cet écosystème, coupé de tout durant 15 jours. Une sorte de pèlerinage sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle. Se détacher, faire le vide afin de recharger totalement les batteries et repartir de l’avant. C’est non seulement souhaitable, mais utile et indispensable.

Un roman réellement attachant, une écriture envoutante, une histoire digne des plus grands romans d’aventure, de l’humour mais également beaucoup de réflexions sont autant de raisons de se procurer sans faute Chien-Loup. Du grand Joncour encore une fois. Je ne peux que recommander ce bestseller de la rentrée littéraire.

Je ne peux conclure sans remercier Serge… Pour ce nouvel opus que j’ai beaucoup aimé, mais également pour la petite dédicace 😉 Nous en avions parlé il y a 3 ans au salon Lire en poche à Gradignan… Que c’est agréable de le relire ici.

« Pour le déjeuner, Lise voulut déplacer la table vers l’ombre du grand noyer à gauche. Franck lui rappela qu’il ne fallait pas se mettre sous un noyer, sa grand-mère disait que ça portait malheur, les feuilles exhalaient un gaz méphitique. Avec la même assurance paysanne Lise lui rétorqua que c’était des balivernes, des légendes répandues par les patrons de ferme afin que les employés ne restent pas à siester sous les noyers, car elle était parfaite cette ombre, dense et fraiche, bienfaisante en tout point. »

Merci Serge et.. à dans deux ans!

5/5

 

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