Dans le cadre du comité de lecture de Cultura pour la rentrée littéraire de Janvier 2016, j’ai eu la chance de lire en avant-première « En attendant Bojangles, le premier roman de Olivier Bourdeaut.
Je remercie Cultura et les éditions Finitude pour cette lecture numérique.
Après l’histoire des garages, mon père n’avait plus besoin de se lever pour nous faire manger, alors il se mit à écrire des livres. Tout le temps, beaucoup. Il restait assis à son grand bureau devant son papier, il écrivait, riait en écrivant, écrivait ce qui le faisait rire, remplissait sa pipe, le cendrier, la pièce de fumée, et d’encre
son papier. Les seules choses qui se vidaient, c’était les tasses de café et les bouteilles de liquides mélangés. Mais la réponse des éditeurs était toujours la même : « C’est bien écrit, drôle, mais ça n’a ni queue, ni tête. » Pour le consoler de ces refus, ma mère disait :
— A-t-on déjà vu un livre avec une queue et une tête, ça saurait !
Ça nous faisait beaucoup rire.
Voilà une excellente citation pour résumer ce livre: c’est un roman bien écrit, vraiment drôle mais qui n’a ni queue ni tête. J’ai d’ailleurs eu un peu de mal à rentrer dedans. Le premier chapitre part un peu dans tous les sens, ce qui est assez déroutant!
Et puis, petit à petit, avec l’alternance de narration, j’ai pris beaucoup de plaisir à tourner les pages. C’est une lecture bluffante, triste et touchante au final. Cette histoire familiale est bouleversante et ne peut nous laisser indifférent: la folie de la mère, l’amour infini du père, le tout sous le regard émerveillé et admiratif du fils…
Les phrases sont recherchées, le choix des mots travaillé et les rimes subtiles. On trouve pourtant tous les clichés possibles et imaginables comme « le château en Espagne » par exemple.
L’auteur s’est bien amusé je pense et suppose. Capable d’utiliser de la poésie comme du parler oral dans une même page, il y a clairement du Boris Vian dans sa plume. Tout est atypique: on a droit à un mélange de tous les styles, on ne reste pas enfermé dans un carcan littéraire spécifique. C’est plutôt réussi à mon gout et permet d’insérer ironie, humour, légèreté malgré la dureté ou la tristesse des faits narrés.
Il lui arrivait d’être sérieux, par exemple lorsqu’il me donnait des conseils pour ma vie future. Il y en a un qui m’avait beaucoup marqué car « frappé au coin du bon sens », disait-il pour en souligner la logique et l’importance.
– Mon petit, dans la vie, il y a deux catégories de personnes qu’il faut éviter à tout prix. Les végétariens et les cyclistes professionnels. Les premiers, parce qu’un homme qui refuse de manger une entrecôte a certainement dû être cannibale dans une autre vie. Et les seconds, parce qu’un homme chapeauté d’un suppositoire qui moule grossièrement ses bourses dans un collant fluorescent pour gravir une côte à bicyclette n’a certainement plus toute sa tête. Alors, si un jour tu croises un cycliste végétarien un conseil mon bonhomme, pousse-le très fort pour gagner du temps et cours très vite et très longtemps!
Je l’avais beaucoup remercié pour ses conseils philosophiques.
– Les ennemis les plus dangereux sont ceux qu’on ne soupçonne pas! avais-je déclaré reconnaissant.
L’auteur ne manque pas non plus d’imagination! Certains faits, comme l’enlèvement de la mère à l’hôpital sont assez abracadabrantesques!
Et surtout, Bojangles et la musique sont omniprésentes durant tout le récit. La douceur et la mélodie de cette chanson de Nina Simone se marient parfaitement avec les faits. Il m’est d’ailleurs arrivé de l’avoir en fond sonore durant mes sessions de lecture.
Si vous voulez faire de même, le lien direct est ici.
C’est le genre de roman qui peut se lire à différents niveaux. Belle déclaration d’amour basée sur une foultitude de mensonges, cet ouvrage court et décalé ravira les amateurs de belle écriture. Le journal du père servira au fils pour quitter le monde de l’enfance et affronter le monde adulte. Les explications du père dans ses journaux secrets apparaissent comme la contrepartie sérieuse des élucubrations rencontrées parfois dans les chapitres de narration du fils.
Pour les autres, il sera considéré comme un roman à la lecture relativement facile.
Pour ma part, je réfute avec force cette seconde hypothèse. J’ai beaucoup aimé, c’est une jolie rencontre inattendue durant laquelle on rit, on rêve et on finit par écraser une larme…
Je recommande très fortement la lecture de ce génial opus si drôle et décalé. Vous passerez assurément un bon moment! Je suivrai avec attention ce nouvel auteur dans le futur.
5/5 COUP DE COEUR !
En attendant Bojangles – Olivier Bourdeaut
Editions Finitudes – 160 pages – Parution le 07/01/2016
Déjà en décembre, les premiers lecteurs criaient au coup de coeur. Ta chronique me laisse supposer une lecture plaisante, saurais-je y voir davantage?
Je l’ai lu début Décembre, relu début Janvier et le résultat est le même: coup de coeur pour un merveilleux bouquin décalé!
Hate de lire ton avis 😉
[…] Cette fois, il n’y pas d’objectif assigné: il suffit de lire UN SEUL livre. Chacun fait ce qu’il veut dans le but de faire partager ses expériences. Tout ce que j’apprécie. J’ai donc déjà rempli les critères puisque j’ai déjà chroniqué 4 ouvrages: L’arbre du pays Toraja, Appelez-moi Lorca Horowitz, le Silence et En attendant Bojangles. […]
Coup de coeur pour moi aussi. Lu dans le même cadre que toi. 🙂
très belle surprise ce bouquin! Je vais le recevoir en version papier de la part de l’éditeur (qui est bordelais comme moi!). Peut être un petit concours à venir aussi 😉
Je suis d’accord avec toi. Un très beau premier roman. Touchant, émouvant et profond, derrière la légèreté et le pétillant des premières images… https://glazmag.wordpress.com/2016/01/07/en-attendant-bojangles/
Une très belle découverte qui je l’espère sera récompensée
Au moment où j’écris ce commentaire, je viens juste de terminer ce roman.
Quelle merveille ! L’histoire mêle le comique, l’amour et la tragédie.
L’apparente écriture facile cache en effet un vrai travail pour trouver la formulation qui fait mouche
C’est mon premier coup de coeur de cette rentrée d’hiver.
On est parfaitement en phase 🙂 une belle pépite inattendue ce roman
Je n’en entends que du bien !! Il va falloir que je craque ;o)
Je te le conseille fortement. Du rire aux larmes y a tout!
[…] Vous pouvez retrouver la jolie chronique de Benoît sur son blog « A l’ombre du noyer ». […]
[…] Une demi-déception pour A la table des hommes de Sylvie Germain, un gros coup de cœur pour En attendant Bojangles de Olivier Bourdeaut (que vous partagez vu que c’est l’article le plus consulté, et de […]
Comment évoquer la folie face à l’amour infini d’un père quand on six ans ?
une écriture poétique, joyeuse, bouleversante.
Aimer la vie quelques que soient les intempéries, danser, danser encore et toujours sur la voix habitée de Nina Simone, exorciser le mal, peut-être en mémoire à la schizophrénie de Zelda Fitzgerald.
Nous avons affaire là à un écrivain à part entière, à un écrivain-comète, sensible, généreux à l’humour quelque peu angoissé. Mister Bogangles dance …….
[…] surtout un échange à bâtons rompus fort intéressant avec Olivier Bourdeaut. L’auteur de En attendant Bojangles, succès inattendu de la rentrée littéraire de janvier (plus de 240 000 exemplaires vendus et […]