Récit posthume, le silence a été écrit entre Janvier et Mars 2011. Disparu en mai 2014, à l’âge de 74 ans, Jean-Claude Pirotte est l’auteur d’une œuvre abondante, notamment de la poésie. Il fut récompensé en 2012 par le Grand Prix de poésie de l’Académie française et le Goncourt de la poésie pour l’ensemble de son œuvre.
Il n’y a que le silence qui puisse présider aux métamorphoses.
Je remercie les éditions Stock pour cette lecture numérique.
Cet ouvrage est préfacé par Philippe Claudel qui le définit comme « Un grand frère des lettres » et lui rend dans ces premières pages un vibrant hommage. Comme le dit parfaitement celui-ci, cet ouvrage porte bien mal son nom car l’écrivain véritable est un parleur. En sa compagnie, la conversation prend le tour amical d’une immédiate intimité.
Il est très court, 80 pages, et découpé en mini-chapitres, souvenirs de la vie de l’auteur, de ses amis, des paysages, de son travail dans les vignes… tout ce qui lui aura été cher. La brièveté de l’ouvrage est une volonté assumée de l’écrivain « Je n’ai simplement pas l’âge romanesque » et qui, au détour d’un paragraphe, reprend à son compte une citation des Carnets de Joseph Joubert:
Les petits livres, écrit-il, sont plus durables que les gros; ils vont plus loin. Les marchands révèrent les gros livres; les lecteurs aiment les petits. Ce qui est exquis vaut mieux que ce qui est ample… Un livre qui montre un esprit vaut mieux que celui qui ne montre que son sujet.
Comment lui donner tort? On ne peut qu’être d’accord avec ces belles phrases. Pour ma part, je ne sais pas si j’aurais apprécié autant le silence s’il avait été plus long.
Le vin est omniprésent dans l’opus, comme dans l’intégralité de son œuvre. On trouve de nombreuses allégories et on se régale avec toutes ces métaphores viticoles.
De ce que nous ferons de notre vie, nous ne voulons rien savoir. Notre indifférence au réel n’a d’égale que notre attention passionnée aux images entrevues dans une lumière soudaine, qui est peut-être celle que diffusent les éclats troubles du vin bourru.
Jean-Claude Pirotte était un œnophile pour qui le vin était bien plus qu’un simple assemblage de cépages…
J’aime le vin que je bois, lorsqu’il mérite son nom. Dans ma cave, il n’y a pas de vin. Il n’y a que d’heureuses espérances. De troublantes expériences.
Le vin, c’est le ferment de l’émeute. Le comble de l’esprit d’insurrection, de civilisation. L’alcool de vin, marc, fine, c’est le sommet de l’expérience mystique. Comment pouvons-nous oublier que l’eau se change en vin? Oublier que la rose et la vigne sont les ornements du jardin d’Allah?
L’écriture est belle, mélancolique mais jamais plaintive. La mort plane pourtant souvent… Le style est riche et travaillé. La lecture n’est pas toujours fluide (souvent le cas quand un poète fait de la prose) mais tellement agréable. Il ne faut pas plus d’une heure pour arriver à la dernière page. J’ai eu l’impression par moment de m’évader, d’être hors du temps. C’est une douce et sereine sensation.
Je vous recommande la lecture de ce magnifique récit roman et laisse le dernier mot à l’auteur qui, en 5 phrases, résume et conclut magnifiquement ce qu’aura été sa vie.
Je n’ai pas trouvé la poésie dans le vin, mais le vin dans la poésie. Je lis et relis mon exemplaire d’un choix de pensées de Joubert. Je vendange la vigne de savagnin et le jaune mûrit en silence dans ses fûts obscurs. Mes amis sont morts en Algérie, ou se sont suicidés. Nous avons perdu l’espoir en une Lotharingie excessive et exemplaire. Il me reste le silence.
4/5
Le silence – Jean-Claude Pirotte
Editions Stock – 80 pages – parution le 06/01/2016
Je sens que ce livre va me plaire, convaincue 🙂
il est court et il mérite d’y consacrer une petite heure je confirme.
[…] j’ai déjà chroniqué 4 ouvrages: L’arbre du pays Toraja, Appelez-moi Lorca Horowitz, le Silence et En attendant […]
Je ne connais pas l’auteur mais ce me semble un beau style à découvrir
Et juste 80 pages donc « au pire » peu de temps perdu 😉 Il mérite d’être lu