Faux-Semblant est le dernier roman de l’écrivain maori Witi Ihimaera (Traduction : Mireille Vignol). Ce nom ne vous dit certainement rien, il en était de même pour moi jusqu’à une très belle rencontre avec un autre auteur de la maison d’édition polynésienne Au vent des iles. Je reviendrai d’ailleurs prochainement sur cette dernière en vous présentant Méridien Zéro de Mourareau.
Ce roman a été adapté au cinéma en 2013 sous le titre White Lies (Tuakari Huna en maori)
Je remercie Camille de l‘agence Trames ainsi que la maison d’édition Au Vent des iles pour l’ouvrage.
Witi Ihimaera
Faisons tout d’abord rapidement connaissance avec l’auteur, premier romancier maori à être édité.
Witi Ihimaera est un auteur prolifique et complet. En effet, il a déjà publié douze romans, six recueils de nouvelles, écrit pour le théâtre et le cinéma, coproduit des films et documentaires, édité plusieurs livres sur les arts et la culture de Nouvelle-Zélande et enfin enseigné à l’université d’Auckland.
Il a notamment été distingué par des prix prestigieux comme le prix inaugural Start of Oceania de l’université d’Hawaï et le prix de la Arts Foundation of New Zealand en 2009, le Toi Maori Maui Tiketike Award et le Premio Ostana International Award décerné en Italie en 2010.
3 de ses œuvres ont été adaptés au cinéma : Paï en 2002, Kawa en 2010 et donc White Lies en 2013
Il a enfin reçu en 2005 la médaille de l’Ordre du mérite en littérature de Nouvelle-Zélande
Paraiti, une femme exceptionnelle
En quelques lignes ci-dessus, vous avez un aperçu de ce bel ouvrage de Witi Ihimaera.
Le lecteur suit les aventures sur les chemins néo-zélandais de Paraiti, une vieille guérisseuse maori jouissant d’une immense renommée. Paraiti n’est pas son nom de baptême mais signifie « Celle au visage ravagé », nom qu’elle porte depuis qu’elle reçut cette balafre à l’âge de 6 ans dans une sombre histoire.
Paraiti voyage beaucoup avec ses fidèles compagnons, le cheval Atahua et la mule Kaihe. Grâce à son savoir-faire ancestral, sa connaissance de la nature et ses petits secrets, elle soigne et accomplit des tâches sacrées. Dévouée à la santé de son peuple, elle est donneuse de vie… jusqu’à une halte à Gisborne où elle va être confrontée à un drôle de dilemme. Que va-t-elle décider ? Comment va-t-elle répondre à la requête de Mme Vickers, une bourgeoise blanche, une étrangère, une Pakeha, qui lui intime l’ordre d’interrompre sa grossesse très avancée.
Le peuple maori
L’autre élément caractéristique de cet ouvrage est l’emploi de mots en « version originale ». Régulièrement, Witi Ihimaera insère des mots, des expressions ou des phrases en maori.
Assez perturbant dans les premières pages je dois le reconnaître, j’ai par la suite pris énormément de plaisir tant ils se marient idéalement aux descriptions de la nature. Je vous rassure outre les notes en bas de page, il y a un glossaire récapitulatif en fin d’ouvrage.
Le peuple maori et la nature ne font qu’un. La symbiose entre les deux est régulièrement souligné par l’écrivain. Le lecteur en profite pour faire plus ample connaissance avec les habitudes de ce peuple ancien. J’ai ainsi complété et mieux compris ce que le rugby m’avait enseigné sur lui.
De plus, tout au long de l’ouvrage, Witi Ihimaera nous offre une leçon d’histoire sur son peuple. Il met en exergue les difficiles relations voire les impossibles cohabitations entre les locaux maori et les Pakeha. Il dépeint par exemple des villes divisées et segmentées entre les quartiers riches blancs, et de l’autre les bidonvilles dans lesquels sont repoussés les maoris, ou le besoin de « clandestinité » de ces derniers.
Un agréable voyage
Le séjour du lecteur au cœur de l’environnement maori, sa forêt, ses terres, ses lacs, ses animaux, ses hommes et leurs divinités, ses villes et ses quartiers se déroule dans d’excellentes conditions.
Il est servi par une belle écriture, fluide, poétique et très évocatrice. Comme souligné dans le paragraphe précédent, l’usage de la langue maorie y est pour beaucoup. On s’attache très rapidement à Paraiti dont on ne peut que louer les valeurs et souffrir avec elle face à ses tiraillements face à la demande de Mme Vickers.
La tension, parfois forte, est abaissée avec l’appel à l’humour ou gommée avec les sublimes métaphores employées.
Le tout est un récit engagé, fort qui ne peut laisser indifférent.
J’ai personnellement beaucoup apprécié la lecture de Faux-semblant et n’ai qu’un regret : il est trop court (à peine plus de 100 pages…).
Belle découverte, je vous invite à votre tour à voyager en Nouvelle Zélande en lisant Witi Ihimaera, auteur qui mérite d’être connu.
4/5
Je suis ravi de voir que Lilia, blogueuse de la Madeleine de livres, partage mon avis (ou l’inverse je suis sur la même ligne qu’elle puisque je publie cette chronique un peu plus tard).
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