On connaissait tous ou presque Cyril Dion avec son magnifique Demain, documentaire réalisé avec Mélanie Laurent en 2015. On le découvre ici en écrivain avec un très réussi premier roman Imago.
Je remercie nos fées des 68 premières fois pour cette belle sélection.
« Chacun d’entre nous vit avec sa propre prison, plus ou moins large. Et fait ce qu’il peut pour en sortir… »
Imago, c’est 4 parties qui narrent les vies de Khalil, Nadr, Tarek, Amandine, Fernando. Mais également de vengeance, de Palestine, d’attentats… C’est donc un opus hautement d’actualité et un sujet plutôt périlleux à traiter.
En effet, il est « facile » de faire de la politique et donc de prendre partie pour les Israéliens contre les Palestiniens ou vice versa. De même, on peut parler de djihad avec des idées bien arrêtées.
« Pour toujours il les haïssait. Les israéliens. Les Français. Les Occidentaux en général. Tous ceux qui finançaient, entretenaient la guerre contre son peuple. Il aurait voulu les broyer, les dévorer sur place. La haine pourrissait ses pensées, ses entrailles, elle dévalait le long de ses muscles, de ses doigts. Sans pouvoir s’arrêter, il tournait en rond dans le camp dévasté, ne sachant comment se débarrasser de toute cette violence qui l’agitait. »
Comment résumer sans trop en dire? J’écrirais que ce n’est absolument pas le cas ici. Au fil des pages, à travers l’intrigue qui est menée de main de maître, l’auteur fait davantage de la pédagogie qu’asséner des vérités. Il aborde le conflit israelo/palestinien à travers différentes vues (l’européenne, la locale, …), ce qui est très éclairant. Il pousse le lecteur à s’interroger, et c’est avec une foultitude de questions sans réponse que celui-ci tourne la dernière page. Je ne sais pas si c’était le souhait premier de Cyril Dion, mais si tel était le cas, c’est parfaitement réussi en ce qui me concerne. Il n’y a en effet pas réellement de fin. Augure d’une suite?
« Nadr progressait dans le sable, longeait la mer, deux ou trois cailloux dans chaque chaussure. L’horizon s’éployait à perte de vue, le manque d’eau et de nourriture l’étourdissait, la chaleur le faisait chanceler. Pourtant son cœur était léger et sa poitrine fière, soulagée d’un immense fardeau. Chaque nouvelle foulée, chaque minute hors de cette prison était une promesse encore indistincte. »
Servi par une très belle écriture, poétique, percutante, très agréable à lire, on est rapidement pris au jeu. Même si j’ai trouvé quelques longueurs, j’ai été captivé de la première à la dernière page. Le style m’a surpris tant la plume est bien maniée. Des phrases longues, des dialogues dynamiques, des descriptions fouillées ou des états d’âmes torturées, on aime suivre ces destins brisés. Surtout ceux de Nadr et Khalil qui m’ont beaucoup interpellé.
Imago, premier roman de Cyril Dion, est une très belle découverte et une belle réussite. Il est dur, triste, tragique mais surtout utile et marquant. Je vous encourage à le découvrir. Un beau package de Noël à offrir en complément de son documentaire Demain.
4/5