
Les étés d’un ado
Sous le soleil cru d’un été vendéen, la timidité se fabrique comme on assemble un cerf-volant : avec des carnets, des lettres froissées, des silences, des rêves qui s’effilochent dans la brise.
« Comment une histoire d’amour qui n’existe pas peut faire aussi mal ? »
Un été, une adolescence
On croit connaître ces histoires.
Un garçon,
un été,
des rêves trop grands.
Mais Christophe Perruchas ne raconte pas,
il effleure,
il laisse deviner.
Dans la chaleur d’un été vendéen, Christophe, alias Chripousse ou Chrip, adolescent timide des années 90, vend des chouchous sur la plage. Il écrit des lettres qu’il n’enverra jamais à Anne, l’amoureuse platonique, lointaine et lumineuse. L’adolescence ici n’est pas tapageuse, elle est faite de silences, de fêtes, de regards en coin, de tendresse maladroite.
« Elle dit souvent dans ses lettres deux choses contradictoires : oui elle m’aime, mais n’est pas prête, oui elle a envie ses lèvres sur les miennes, mais diffère ce désir.
L’annule ainsi.
le fait disparaître :
le nomme et l’escamote. »
L’originalité du style
Ce n’est pas tout à fait
de la prose.
Pas tout à fait
de la poésie.
Quelque chose entre les deux.
Des phrases qui s’arrêtent,
des pensées qui débordent,
des souvenirs en pointillés.
Une écriture tendue, syncopée, entre prose et vers libre, confère à l’ensemble une musicalité rare. Les mots claquent, s’arrêtent, repartent, dessinent une mélodie discrète, sans effet inutile, qui va droit à l’essentiel. On tourne les pages comme on écoute une chanson douce, porté par le souffle coupé du narrateur, ses silences, ses hésitations.
Une forme qui peut désarçonner au départ, mais qui se révèle d’une grande justesse, au plus près des émotions.
« Juste le partage des choses avec elle, je vis avec une absente, je remplis notre vie à venir. »
La tendresse universelle
On s’y retrouve.
Forcément.
Dans la peur d’aimer,
dans la honte de trop ressentir,
dans le désir de s’inventer une vie plus grande.
La timidité,
c’est un refuge,
une armure douce.
L’adolescence, l’amour empêché, la famille, les étés d’apprentissage : rien de neuf, pourrait-on croire. Pourtant, Christophe Perruchas traite ce matériau universel avec une acuité et une délicatesse qui le rendent neuf, presque brut. Pas de folklore générationnel, pas de clichés : juste la vérité crue des sentiments, la lumière qui filtre entre les branches, comme ces espaces de timidité entre les feuillages, permettant à chacun de croître sans se heurter. Dans le roman, la timidité est comparée à celle des arbres : ils poussent ensemble, mais laissent toujours un peu d’espace, une zone d’ombre, pour ne pas étouffer l’autre. C’est dans cet interstice, à l’ombre de nos timidités, que l’on apprend à devenir soi, doucement, sans bruit.
Une lecture estivale parfaite
C’est une parenthèse,
un souffle,
une lumière d’été.
On voudrait que ça dure,
comme les vacances,
comme l’enfance.
Dans La Fabrique des timidités, Christophe Perruchas cisèle le portrait d’un adolescent qui, entre deux ventes de chouchous et trois lettres d’amour jamais remises, apprend à désirer autrement. Ici, pas de roman d’apprentissage classique, mais une résistance : celle du cœur et du verbe face à la brutalité du réel.
Un livre idéal pour ouvrir la saison estivale. Pour se rappeler que nos maladresses sont parfois nos plus beaux trésors.
La Fabrique des timidités de Christophe Perruchas est disponible aux éditions du Rouergue.


