L’appartement du dessous – Florence Herrlemann

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9782226436665-j

Ayant énormément apprécié son premier ouvrage, Le festin du lézard, j’avais hâte de retrouver la plume de Florence Herrlemann, auteure que je vous avais mieux fait connaitre il y a deux ans. Allait-elle transformer l’essai? Allais-je être déçu? Autant de questions, d’anxiété que d’impatience… en partie gommés par le nom de l’éditeur du futur ouvrage.

L’appartement du dessous sort aujourd’hui, mercredi 27 février, aux Editions Albin Michel. Et…

« Un jour vous saurez, je vous le promets… »

Hectorine et Sarah entretiennent une « répondance », joli terme évoquant la correspondance intergénérationnelle entre ces deux voisines d’immeuble. La première va sur ses 104 ans et habite ici depuis plus d’un demi-siècle. La seconde, jeune active, vient d’emménager dans l’appartement de sa grand-mère. Tout les sépare en apparence.

« Entretiennent » est d’ailleurs un mot trop fort tant Hectorine semble « imposer ses lettres » à sa jeune voisine du dessus. Elles sont empreintes de secrets et de mystères. En dire sans trop en dire, mêler la petite anecdote à l’Histoire, le temps présent au passé douloureux… Que cache-t-elle? Que lui est-il arrivé? Pourquoi diantre écrit-elle à Sarah? Comment va réagir cette dernière?

Je vous laisse découvrir…

« Il est des combats déjà vains. Quand tout devient sombre, quand on ne saisit plus réellement le sens de l’existence, il est bon de savoir s’arrêter. Ne plus penser à rien d’autre qu’à l’instant présent. Respirer lentement et se dire qu’une seule chose importe, le souffle qui se propage jusque dans chaque extrémité de notre corps, la présence à nous même, maintenant, à cet instant précis. Et vous vous rendrez compte alors que votre respiration absorbe le passé et l’avenir, les regrets et les peurs, et qu’elle vous fait goûter à l’éternité, parce que, justement, elle est hors du temps! »

Comment ne pas s’attacher aux personnages!  A Hectorine tout d’abord, cette mère, grand-mère, coach à l’esprit si vif et organisé. D’aucuns la diraient manipulatrice, machiavélique ou folle, d’autres très organisée et méthodique… Au fur et à mesure des lettres, on s’aperçoit qu’elle est totalement lucide et sait parfaitement où elle veut en venir. Bluffant! Elle se donne le temps, elle fait languir sa correspondante, tout en lui livrant petit à petit des secrets, des conseils, des leçons de vie… Prendre son temps, se libérer des contraintes, vivre au jour le jour. Belle leçons de vie… petit clin d’œil à la madeleine trempée dans le thé aux agrumes et non le coca cher Olivier Liron 😉

« J’hésitais à vous répondre. Je sais que vous refusez de me voir. […] Oui, j’ai bien compris que vous cherchiez à m’imposer votre mode de communication. Là encore, grosse interrogation. De toute façon, je n’ai pas le temps, et honnêtement ce n’est pas mon truc. »

De même, Sarah ne laisse pas indifférent. Elle évolue au fur et à mesure des chapitres. Si au départ elle est réfractaire et irritée par ce manège (elle se sent épiée, forcée, prisonnière), elle finit par se prendre au jeu. Elle répond, fait des courses pour Hectorine, s’inquiète pour elle, lui offre sa salle de bain pour qu’elle se délasse… mais également met en pratique ses conseils, se confie de plus en plus… jusqu’à l’addiction. La fin est magnifique, je vous laisse découvrir.

Les personnages secondaires sont également très bien dépeints et s’intègrent sans anicroches au récit. Eux aussi ne sont pas piqués des vers. On sourit régulièrement quand ceux-ci sont évoqués. Il y a des scènes géniales, très bien décrites, qui nous donnent l’impression de réellement les vivre.

« Comment était la mer? Portait-elle sa robe d’automne, étincelant d’éclats vert et gris? Vous a-t-elle raconté ce qu’elle charriait au plus profond de ses abimes? Qu’a-t-elle déposé sur le sable? A vos pieds? Vous a-t-elle fait don de ses murmures enchantés qu’elle brasse la nuit au clair de lune? »

Enfin, comment ne pas évoquer l’écriture. Vive et dynamique, elle produit des phrases fluides, offre des descriptions sublimes, tout en usant de mots simples, judicieusement choisis, de tournures élégantes, riches et travaillées. On tourne les pages avec gourmandise, on voyage, on apprend, on écoute… On est  happé, envouté et captivé. La pression monte petit à petit, l’étau se resserre tel un roman policier. Plus on avance dans les chapitres, plus on élabore des scénarii, plus on a hâte de savoir!

Florence Herrlemann a pris des risques en écrivant une histoire totalement différente à la fois sur le fond que dans la forme. Il n’est jamais simple d’utiliser le roman épistolaire en gardant son lecteur attentif et intéressé jusqu’à la fin. Elle a très clairement gagné son pari! Elle nous offre un très grand livre! C’est fort et  brillant. Haletant, captivant, régénérant, émouvant et assurément marquant.

Après la découverte et la confirmation d’un talent, jamais 2 sans 3: le prochain sera celui de la consécration! Merci Albin Michel et surtout Flo pour ta confiance en m’envoyant cet opus en avant-première. Je te souhaite tout le succès que tu mérites.

J’ai pris un tel plaisir que je ne peux que vous le recommander très fortement. On en entendra parler j’en suis certain.

Ruez-vous chez votre libraire indépendant préféré, vous ne serez pas déçu.

5/5 Coup de cœur!

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