Notre désir est sans remède – Mathieu Larnaudie

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NotreDesirEstSansRemede

Dans le cadre des sélections du prix du roman Fnac 2015, j’ai eu la chance de lire en avant-première au mois de Juin « Notre désir est sans remède » de Mathieu Larnaudie.

Je remercie la FNAC et les éditions Actes Sud pour cette lecture.

« La lumière n’exauce pas les corps, elle les massacre. La main de l’éclairagiste qui agrippe la poignée du projecteur et, pour préparer l’entrée dans le champ de l’actrice dont il va illuminer le mouvement, fait pivoter sur son axe la caisse de métal d’où jaillit le faisceau aveuglant, cette main n’est pas moins cruelle que celle du tueur à gages qui pointe une arme à feu ou qui abat une arme blanche, ni moins impitoyable que celle du bourreau qui actionne le courant de la chaise électrique. Elle est l’instrument assermenté d’une loi sauvage : elle livre un être en pâture à notre regard».

Ainsi débute le nouvel opus de Mathieu Larnaudie. En quelques lignes, nous avons un résumé de ce qu’il va suivre: une écriture littéraire, voire très littéraire, précise, recherchée, riche à très riche, dense, des phrases longues, complexes, …

Dans « Notre Désir est sans remède », Mathieu Larnaudie nous dépeint donc l’existence mouvementée et dramatique de Frances Farmer, actrice américaine du XXème siècle. De la gloire à la déchéance, de la lumière à l’ombre, de Hollywood à l’enfermement en hopital psychiatrique, il dresse en 7 parties, découpées en petits chapitres pour dynamiser au maximum la lecture, le portrait romancé d’une femme aussi impertinente qu’insoumise, symbole de l’idéologie américaine, star au destin tragique.

Dans un premier temps, son image séduit le monde du cinéma au point d’en faire une véritable icône.

« Orgueilleuse et résolue, aguicheuse et lointaine, elle demeure sans passé, elle est là et cela doit suffire ; on est prié de s’en contenter. Le mystère qui l’auréole est bravache. Elle sait qu’elle est l’objet des convoitises, le centre des attentions de cette assemblée exclusivement composée d’hommes dont elle attise les regards qu’elle feint de ne pas remarquer, comme s’ils – ces regards – glissaient sur elle, ne la concernaient pas, n’étaient que la rumeur de la concupiscence ordinaire, inévitable, qui lui fait cortège où qu’elle aille et qu’elle a appris à négliger. »

Avant que l’ombre ne prenne le dessus. Cette partie traitant de la déchéance et la folie, est passionnante. C’est un vrai page-turner en puissance servi par une superbe écriture. Cette réflexion sur le corps jeté en pâture, cette thèse sur le paraitre, la violence du pouvoir de l’image est une vraie réussite.

La légende dorée n’a pas son envers sombre – on ne sait quelle légende noire qui en serait le récit alternatif et antagonique, une autre histoire plus ou moins secrète, et forcément plus réelle parce que souterraine, honteuse, exsudant le scandale, les blessures et les vices, tout ce qu’il est soi-disant préférable de taire et qui passe donc pour le fond véritable des choses mais qui fait couler bien plus d’encre encore, excite la chronique, éperonne notre désir, attise sans jamais suffire à l’assouvir notre soif de spectacle avec plus de violence que les versions officielles, enchantées.

Mathieu Larnaudie garde toujours une certaine distance vis-à-vis de l’actrice dans son ouvrage, ce qui est fort appréciable.

Malgré un passage à vide en milieu de roman (trop de digressions, des phrases trop longues, une absence de chronologie, une utilisation de mots obscènes dans des phrases poétiques, tout cela m’a laissé sur le bord du chemin pendant un petit moment…), j’ai trouvé la fin magnifique et bouleversante. Quelle cruauté… Là encore, l’écriture de l’auteur sublime cette sensation, même si elle est très exigeante pour le lecteur.

Au final, Notre désir est sans remède est un bon livre qui se lit relativement facilement mais qui demande de l’attention et de la concentration. Il se mérite tellement il est intellectuel (je ne suis pas sûr d’avoir tout compris je l’avoue) et ne plaira donc pas à tout le monde. Pour ma part, je ne regrette pas de l’avoir lu et j’en garderai un bon souvenir.

3/5

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