Un homme dangereux – Emilie Freche

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UnHommeDangereux

Un homme dangereux est le roman que publie Emilie Frèche à l’occasion de cette rentrée littéraire 2015.

Je remercie les Editions Stock pour cette lecture numérique.

Autant certains opus laissent le lecteur indifférent, autant celui-là appelle beaucoup de commentaires et force à la réflexion.

Roman fiction ? Autobiographie ? Beaucoup d’éléments évoquent le réel en tout cas. En effet, la narratrice a le même nom que l’auteur et de nombreux faits cités dans le livre sont véridiques (comme par exemple le roman 24 Jours, La vérité sur la mort d’Ilan Halimi, coécrit par Emilie Frèche avec Ruth Halimi en avril 2009). Ou s’arrête le réel et où démarre la fiction ? Doit-on chercher réellement à savoir ? L’auteur nous donne son avis dans le roman :

J’ai toujours considéré que la question de la vérité dans un roman ne doit pas se poser. Qu’on se moque complètement de savoir si tel ou tel évènement est vrai, ou bien si les personnages sont inspirés de gens réels, parce que, évidemment, ce n’est pas cela qui fait l’intérêt ni la qualité d’un texte

Si je partage majoritairement son avis, je trouve toujours dérangeante, voire malsaine cette collusion fiction/réel… En tournant les pages, sommes-nous voyeur de la vie de Emilie ? Ou sommes-nous dans la fiction du roman ? Le lecteur se retrouve en porte à faux et c’est une sensation assez bizarre…

Heureusement, si je puis dire, l’écriture efface très rapidement ce désagrément. Elle est superbe, d’une grande fluidité. Elle hypnotise littéralement le lecteur qui dévore le roman et n’a à aucun moment envie de le lâcher. Les mots sont subtilement choisis, les phrases sont souvent longues et très détaillées.

La sensation d’appartenance totale et de « propriété » à Benoit Parent sont merveilleusement décrites. Emilie est sous son emprise, elle sait qu’il ne faut pas mais c’est plus fort qu’elle.

« J’ignore combien de temps nous y sommes restés. Je me souviens seulement des papillons que j’avais dans le ventre, du sourire que je sentais accroché à mes lèvres comme un tatouage permanent et du défilé aux tables voisines, des têtes et des consommations qui changeaient sans cesse quand nous, nous en étions toujours au même verre, mais peut être en était-ce un autre, comment être sure ? L’impression que j’avais du temps arrêté brouillait tellement les cartes… Je ne savais plus ni quelle heure, ni quel jour, ni quel mois nous étions, et cette perte de repère arrive si rarement dans une vie que je n’en avais moi-même plus aucun pour juger de la situation. Je savais seulement que cette rencontre serait un miracle ou un mirage et que, de toute façon, je ne déciderais de rien. »

De même, les descriptions de Benoit Parent le rendent détestables pour le lecteur. Manipulateur, radin, antisémite… c’est merveilleusement bien décrit.

Benoît était ce type insupportable mais irrésistible, qui réussissait, comme les sales gosses, à se faire pardonner en un mot et à transformer votre colère en un grand sourire.

Je reviens tout de suite, d’accord ? Tout de suite, tout de suite ! Déshabille-toi, mets-toi nue sous les draps et attends-moi. J’ai acquiescé d’un signe de tête. Il avait déjà disparu.

Pour écrire un tel roman, il faut aussi avoir un recul nécessaire pour se détacher de cette sensation d’être piégée. Etre capable d’analyser et de le traduire par les mots.

« On n’écrit jamais à partir de rien, mais de ses lectures. »

« L’écriture était donc comme la vie : on s’imaginait qu’on maitrisait les choses, qu’on avait ce pouvoir d’influer sur nos destins mais, en vérité, on ne décidait jamais de rien ; ce qui devait être advenait, et ce qui n’avait pas de raison d’exister finissait toujours, de lui-même par s’éteindre. »

Le traitement de la différence d’âge dans un couple (20 ans d’écart entre Emilie et son mari), l’évolution et la survie du mariage face aux tentations, prendre une décision plutôt que de rester sur le statu-quo,  encore des thèmes que l’auteur traite parfaitement et subtilement.

Ils m’aimaient tous les deux et ils voulaient tous les deux me protéger. Me faire comprendre, une bonne fois pour toutes, où ce genre d’histoire pouvait mener : non seulement à la fin du mariage, mais à la négation de soi.

Enfin, comment ne pas parler de la notion et du traitement de l’antisémitisme. Là encore rien à dire, c’est pour moi une réussite.

A la fois énervant, captivant et au final passionnant, Un homme dangereux est un roman de la rentrée littéraire que je vous conseille notamment pour la formidable écriture de Emilie Frèche.

4/5

Citations :

[…]Maintenant je le sais, quitter un appartement est toujours une façon de retarder le jour où l’on quittera sa femme ou son mari. Mon mari était depuis longtemps dépassé par ma folle énergie. Peut-être même l’était-il depuis le début […]

Les immeubles, les voiture, la ville étaient tels que je les avais quittés en entrant dans ce bar d’hôtel, mais je ne les voyais plus du même angle, ni avec la même focale. Et cela tenait au fait que j’avais quitté le train à bord duquel je voyageais paisiblement depuis quinze ans. Par jeu, ennui, curiosité, que sais-je ?

Mais Adam m’a sorti cette phrase folle, cette phrase qu’aucun autre mari n’aurait eu la liberté, le courage ni l’intelligence de dire à sa femme : – il faut que tu couches avec lui. – Pardon ? Ai-je demandé. – Je t’avais prévenue quand je t’ai parlé de sa femme, je t’avais dit de ne pas t’en approcher. Mais maintenant, c’est trop tard, il faut que tu ailles au bout. En fin si tu veux qu’on s’en sorte. – Mais comment peux-tu me dire une chose pareille

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