Otages intimes – Jeanne Benameur

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OtagesIntimes

Dans le cadre des coups de cœur de la rentrée littéraire 2015, j’ai eu la chance de lire en version électronique « Otages intimes » de Jeanne Benameur. Je remercie infiniment les librairies Decitre ainsi que Actes Sud pour cette avant-première.

Quel régal une nouvelle fois ! Très fort et merveilleusement écrit, Otages intimes ne vous laissera pas indifférent tant il se dégage une émotion intense.

Etienne, photographe de guerre, est pris en otage. Ayant été troublé par une femme et ses enfants de l’autre côté de la rue, il n’a pas fui pour se mettre à l’abri assez vite et s’est retrouvé prisonnier. Le roman raconte sa libération et son difficile « retour à la vie » chez sa mère avec ses amis fraternels Enzo, le casanier silencieux, et Jofranka, son alter égo, fervente défenseuse des femmes. Difficile pour Etienne, mais également pour ses proches…

Servi par une écriture somptueuse, fluide, envoutante, douce et poétique, Otages intimes se déguste avec un plaisir non dissimulé. Les phrases sont courtes, simples. Jeanne Benameur raconte la vie des Hommes : leur secret, leur enfermement, leur part d’otages intimes… Ces sujets délicats sont abordés avec l’habituelle poésie de Jeanne Benameur.

Il y a parfois dans les ciels tumultueux de printemps, au bord de l’océan une clarté brusque qui aveugle contre l’ardoise miroitante des nuages. Dans une déchirure du ciel, inattendu, un bleu, irisé de lumière et de pluie, lavé, incroyable. Un bleu de miracle. C’est là que se tient la mère. Juste sa peau contre les nuages. Une bourrasque et elle pourrait disparaître. L’indécision de la lumière alors, c’est sa vérité. L’homme qu’est son fils aujourd’hui a touché la mort, au fond de lui. Maintenant elle peut laisser tomber tous les masques qu’elle a portés pour rassurer.

L’amour infini, l’attente aussi stressante que longue mais aussi et surtout le réalisme de la mère de Etienne sont marquants. Jeanne Benameur nous livre des phrases très fortes.

Son pas aura désormais cette fragilité de qui sait au plus profond du cœur qu’en donnant la vie à un être on l’a voué à la mort.

Aucune arme ne protège de la peine du monde. Irène n’essaie aucun mot de consolation. Il n’y en a pas.

De même, pour parler de sentiments inavoués, elle utilise un style très visuel, ne laissant guère place au doute et permettant au lecteur de parfaitement imaginer les moments dépeints.

Elle illustre la terreur de la guerre avec le choc de l’instantané d’une photo. Ainsi, la noirceur s’illumine un peu.

Dans la chambre de la résidence, Etienne écrit ce matin-là dans un carnet Aucune nuit ne parviendra à me soulager de la fatigue sans fin de ceux que j’ai vu essayer de survivre.

Il y aurait tant à dire sur les sujets abordés dans ce roman…

Il est marquant au plus profond de soi-même. C’est limite charnel tellement c’est fort. On regrette qu’il soit si court en refermant la dernière page. Même si on a vraiment du mal à l’abandonner en cours de route, j’ai pris mon temps pour le lire afin de mieux en profiter.

Coup de cœur incontesté et incontestable (quoique prévisible) de cette rentrée littéraire, je le conseille très fortement : A lire et surtout à savourer tranquillement, mais âmes sensibles, soyez prévenus que vous n’en sortirez pas intact…

Je conclus avec les dernières phrases du livre… qui constituent une belle morale:

Il prendra son appareil. Il retournera au bord de la mer. Il fera désormais chaque photographie en sachant le poids exact de la vie. Et il sait maintenant qu’il n’aura pas assez de tous ses jours et de toutes ses nuits pour aller chercher dans le monde de quoi nourrir l’espérance.

5/5

Quelques citations:

– Les femmes qu’elle entend aujourd’hui ont vécu l’absurde de la douleur qu’aucun sens ne vient aider à surmonter, la douleur assénée pour détruire. Elles sont devenues des « choses » et c’est de cela qu’elles ne se remettent pas. Reprendre place parmi les autres après, c’est une épreuve qu’on n’imagine pas.

– Allongé contre la terre, les yeux ouverts sur le ciel noir, il avait senti la bascule du monde. Il y a des nuits où tout l’espace de la mémoire se déploie. Les territoires sont ouverts. C’est cela qu’il avait fui

– Mon espace à moi, ce sont les mots et le silence entre les mots. Là, ca va. Je suis vivante. Entièrement vivante. Pas de murs pas de portes pas de fenêtre qui font le « chez soi ». Ca,c’est pour ceux qui savent habiter. Pas pour moi.

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1 COMMENTAIRE

  1. Entièrement d’accord avec ta belle chronique. Je ne vais pas l’oublier de sitôt ce livre ! 🙂

  2. Peut-être que c’est un roman qui se décante assez longtemps… Je le trouve touchant c’est sûr, mais l’écriture est vraiment peu banale… Je n’ai pas énormément adhéré.

    En revanche il pose de vraies questions et ça donne à réfléchir…

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