Après l’Autre publié en 2014, Sylvie Le Bihan Gagnaire nous offre en cette rentrée littéraire de Janvier 2017 Qu’il emporte mon secret. Offre est le mot adéquat tant ce livre est une merveille… mais aussi car j’ai eu l’occasion de le découvrir en avant-première sur proposition de l’auteur elle-même.
Je remercie donc chaleureusement Sylvie ainsi que les éditions Seuil pour ce beau cadeau.
« Je sais ce que je fuis, mais non pas ce que je cherche » Montaigne
Telle est l’épigraphe de cet ouvrage. D’emblée, je suis séduit. Et dès les premières pages, je suis littéralement happé par le texte. Douceur, élégance, beauté, poésie… les lignes s’enchainent, les pages défilent, le temps s’arrête. Impossible de le lâcher tant il est addictif et me passionne. Si je peux donner un avis, réservez-vous une période de temps suffisante (au moins 3h) ou attendez-vous à passer une courte nuit.
« Le désir est fugace, inattendu, surprenant dans son apparition et dans sa fuite »
Hélène est écrivain. Elle a connu le succès, ses livres se vendent bien. Marraine d’un salon littéraire, elle fait la connaissance d’un jeune auteur, primo-romancier. Le charme opère, ils se séduisent et ce qui doit arriver se passe une nuit. En couple à ce moment-là, Hélène rompt avec François mais décide de ne plus revoir son jeune Léo.
« L’homme est ce qu’il croit. Je suis persuadée que ce sont nos croyances qui attirent nos expériences, et c’est peut-être la raison pour laquelle je n’ai jamais aimé, puisque je me crois condamnée à être seule, à ce qu’on m’abandonne, incapable de donner, en un mot, pas aimable, au sens propre du terme »
Le récit alterne entre le moment présent – Hélène se prépare dans une chambre d’hôtel à être témoin au procès d’un homme – et le drame passé, une nuit de 1984, celle de l’accident, celle qui a bouleversé et totalement changé le cours de sa vie. Enfoui au fin fond de sa mémoire, celui-ci ressurgit de manière inattendue… Dans une longue lettre de rupture (ne dit on pas qu’il est plus facile d’écrire que de parler dans certaines occasions ?), elle l’explique à Léo. Je vous laisse découvrir, j’en ai déjà trop dit…
« Cette lettre décrivait un espace-temps où le langage n’est plus, où les gestes prennent le relais, celui où, tétanisé, le conscient refuse la charge mortifère qu’on lui impose. »
Le sujet a beau être terriblement difficile, d’aucun dirait abominable, le lecteur est captivé. Le style est moderne, direct et vif, sans langue de bois. On ne peut être qu’admiratif de la plume de Sylvie Le Bihan. Elle est fluide, si visuelle et descriptive, mélodieuse, chantante, douce… Jamais de voyeurisme ou de pathos qui pourtant aurait été si « facile » vu le sujet. Bien au contraire, c’est délicat, subtil, sensible, empreint d’une immense pudeur.
« Aspirer au bonheur, c’est se gaver pour éradiquer le manque »
On s’attache forcément aux personnages, on souffre, on vit et ressent les émotions, les colères de Hélène. Cette intime plongée intérieure, cette introspection, cette mise à nue de l’héroïne est aussi saisissante que lucide. Il est impossible de rester indifférent tant ce texte prend aux tripes son lecteur. C’est réellement fascinant !
« L’ironie est une arme verbale qui permet de faire le tri et de se protéger, un bouclier surtout efficace contre ses propres attaques, les plus meurtrières du fait de la connaissance parfaite de la cible ».
J’ai volontairement ralenti mon rythme de lecture pour les 60 dernières pages tant je ne souhaitais pas refermer cet opus trop rapidement. Cette sensation de bien-être, cette dégustation intimiste des mots, je voulais les conserver longtemps encore… C’est si rare, mais c’est si agréable.
Le lecteur est tenu en haleine jusqu’à la fin, jusqu’à la dernière ligne de la dernière page. Et il repart avec le secret de Hélène… Je n’ai rien vu venir personnellement. Chapeau bas !
« La peur, c’est la projection des douleurs à venir et la conscience de notre mort possible »
Roman aussi intense que poignant, mais si fort et si beau, Qu’il emporte mon secret m’a totalement bouleversé et ému. Il a su me toucher au plus profond de moi. C’est mon premier immense coup de cœur de cette année 2017. Je ne peux que le recommander et vous conseiller de le « consommer lentement » comme si vous dégustiez un plat de grand chef avec un verre de grand cru classé. Il restera encore longtemps en moi… Vraiment lisez le ! Pour ma part, je vous souhaite un immense succès et vous dis Merci Madame ! il me tarde déjà de vous retrouver dans un prochain ouvrage.
5/5
D’autres superbes chroniques ici (liste non exhautive tant ce livre a conquis la blogosphère, mes excuses à celles et ceux que je n’ai pas cités..) :
– Céline
– Nicolas
– Stephie
Un texte particulièrement prenant donc…
un texte que je ne suis pas prêt d’oublier…
Cela se ressent totalement en lisant ton article.
merci:)
Quelle tentatrice !
Oups ! Je voulais dire tentateur !!!
Pas de souci ne t’inquiète pas 😉 C’est un grand et beau livre que j’ai vraiment plaisir à très fortement recommandé. Donc ravi que la lecture de mon billet t’ait donné cette envie 🙂
Heureusement que tu donnes autant envie, car le titre me fait tellement penser à un titre Harlequin, sans compte la couverture, que je ne l’aurais même pas regardé.
Et tu aurais raté un très grand moment…
Bien, euh, oui, grand roman effectivement. 🙂
Et comment!
Je viens de le commander suite à ton billet.
Bonne lecture! J’espère que tu ne seras pas déçue et donc que je ne t’aurais pas « trompé » sur la marchandise😉