Sous le compost – Nicolas Maleski

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Souslecompost

Dans le cadre de ma participation au jury Lecteurs du prix L’Express/BFM 2017, j’ai eu la chance de lire dans la sélection du mois d’avril le premier roman de Nicolas Maleski, Sous le compost.

Je remercie l’Express et Fleuve Editions pour l’envoi de l’ouvrage.

« C’était la nuit, la forêt tapissait le versant du poids obscur et hostile d’un océan »

Les premières lignes de cet opus sont prometteuses. L’écriture poétique et très descriptive augure d’une lecture intéressante. La suite se révéla aussi originale qu’inattendue. J’avoue que je ne m’attendais pas du tout à un tel OVNI.

Gisèle et Franck Van Penitas vivent avec leurs trois filles, Julie, Valouise et Andréa à la campagne. Madame est vétérinaire, Monsieur un très heureux père au foyer, s’occupant de ses filles et de son jardin. Première originalité : Les rôles sont inversés par rapport à « la norme ».

Franck aime sa femme et ses filles, a une vie simple et si caractéristique de nos chers petits villages : le bistrot, les potes, les ragots et autres rumeurs.

Ce sont ces dernières et une lettre anonyme qui firent un jour basculer sa vie : sa femme le tromperait ! A partir de cet instant, tout bascule.

« C’était ça tromper : s’apparier à cru, avec ce que ça comportait de maladies contagieuses, de promiscuité, de germes échangés, et s’oublier dans sa compagne illégitime, polluant le bien d’autrui, comme si on jetait ses ordures sur la pelouse du voisin, ne pas réserver l’exclusivité de sa semence à la mère de sa progéniture »

Loin de perdre la face, Franck devient à son tour infidèle. Il séduit et « baise » la femme de l’amant présumé (un des deux associés de son épouse) puis ensuite sa dentiste, la femme du deuxième associé. D’un solitaire fuyant les mondanités, il devient le tombeur absolu durant un été.  Plutôt inattendu comme réaction.

Dernière originalité : la dernière partie du livre prend des allures de polar noir avec la disparition de la femme d’un écrivain en vue.

« Après quelques virages c’était déjà le plateau, patibulaire, sévère étendue de rochers, de bruyères, avec un vent de travers. L’hiver, le ciel pesait comme une dalle, une pierre tombale. C’était des paysages choisis dans la crudité. Et soudain, un coup de hache terrible ; l’œil ouvrait sur la vallée aux limons argileux qui donnaient à la terre son caractère abondant. La ville reposait là, percée par le cours d’eau, convoi robuste et nonchalant. »

Polar rural ? Roman noir ? Etude sociologique ? Littérature érotique? Manifeste écolo responsable ? Sous le compost est un peu tout cela à la fois. D’un grand réalisme, il se lit très facilement et rapidement. C’est concret, c’est visuel et cela apparaît très crédible. On s’imagine aisément vivre ces événements, biner cette terre ou bien boire un canon au bar du coin en refaisant le monde ou pariant sur une course hippique. Justesse des situations donc, mais également ironie sont les caractéristiques de cette histoire.

Aussi drôle que cynique, le personnage de Franck ne peut que plaire. On aime suivre ses péripéties, vivre ses pulsions, réfléchir et douter avec lui. J’ai personnellement été fan de ce personnage principal pour qui j’ai ressenti beaucoup d’empathie.

Le ton et le style de l’auteur, que j’ai beaucoup apprécié, y sont pour beaucoup. Utilisant la première personne du singulier, c’est à la fois descriptif, suggestif, explicite mais également pudique.

L’écriture, un mix entre la version crue relatant les moments de sexe, un langage familier, courant tel qu’on le connait et le parle tous les jours mais aussi l’utilisation de phrases longues, travaillées, poétiques, aux mots subtilement choisis qui suggèrent plus que ne dévoilent est parfaitement maitrisée et adaptée aux circonstances.

« Ce fut pour moi la délivrance d’une incarcération glutineuse et suffocante, à laquelle je m’abandonnai presque immobile. En vitesse de croisière, Valérie imprimait une cadence saccadée qui rebattait sa gorge à mon menton. La rudesse de son va-et-vient contrastait avec la tendresse délicieuse de sa petite plante carnivore »

Cela offre une lecture simple et fluide, un agréable moment qui fait qu’on tourne les pages sans s’en rendre compte et qu’on a du mal à lâcher ce roman.

Petite déception par contre sur la dernière partie. Si l’atmosphère est de plus en plus pesante au fil des pages, si l’auteur sème quelques indices au fur et à mesure, les derniers chapitres sont trop rapides et nous offrent une fin abrupte… C’est dommage car cela gâche un peu. Un travers d’un premier roman, la peur de finir ou de ne pas savoir finir ? une digression inutile ? Je vous laisse juge.

 « C’était un soir vers neuf heures, sous un ciel sec et poudreux et même flamboyant sur le filament de l’horizon. Marc et Rhoda survinrent à bord d’un cabriolet rouge vermillon. Mon lit de braises, pour rutilant qu’il fût une heure auparavant, menaçait ruine. Ils immobilisèrent le véhicule près de l’appentis. Je goûtai l’interstice de silence parfait qui se logea entre l’extinction du moteur et le claquement des portières, avec la certitude que les instants de sérénité seraient comptés désormais. »

Vous l’avez compris, cet ouvrage m’a parlé, m’a happé rapidement et son originalité (le ton, l’univers, les personnages, l’intrigue, le côté non classable du livre) m’a séduit. D’aucuns y trouveront des longueurs, s’interrogeront sur la nature du livre et la volonté  du message qu’a souhaité transmettre l’auteur, voire se plaindront de l’aspect sexuel et des longueurs… Ce n’est pas mon cas. N’oublions pas, enfin, qu’il s’agit d’un premier roman. Donc soyons indulgent.

Belle réussite, je vous recommande Sous le compost et suivrai cet auteur prometteur dans le futur.

4/5

prixdeslecteursexpress

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