Un ticket pour le paradis publié aux Editions Rivière Blanche est un recueil de nouvelles et non une aventure du célèbre Anselme Viloc. Guy Rechenmann revient ainsi à ses premiers amours. C’est original, c’est atypique, c’est souvent surprenant, c’est toujours prenant et au final c’est une très belle réussite.
« Et si on parlait de ce fameux ticket? En n’allant pas chercher son prix Nobel à Stockholm en ce mois de février 1952, Albert Schweitzer a certainement déchiré le ticket pour le paradis que je tenais dans la main. En me rapatriant sur les rives girondines, plus saines et revigorantes, il m’a enlevé le bonheur d’une visite prématurée dans ce lieu énigmatique. Mais le désir de le découvrir m’en est resté intact. »
En lisant ces premières phrases de l’introduction aux 13 nouvelles qui suivent, on ne peut qu’être curieux et attiré. Tout du moins ce fut mon cas et je reconnais que j’ai dévoré encore ce cours opus. Est-ce autobiographique, d’où le je? Quel est ce paradis? Est-ce un rêve, une utopie? Ou bien une réalité? Est-ce au sens religieux? ou autre? Je le confesse, connaissant l’auteur, je me suis posé beaucoup de questions et j’ai imaginé beaucoup de scénarii, des plus sérieux au plus « loufoques ». Je reconnais que j’ai été surpris et conquis.
13 nouvelles plus étonnantes les unes que les autres, 13 histoires bien menées et surtout bien fermées, j’entends par là bien conclues. Que trouve t-on dans la marmite? Une dose de lui-même, une immersion dans notre beau Sud-Ouest, une louche de fantastique et d’imaginaire, une pincée d’ironie, le tout servi par une écriture toujours aussi séduisante. Au fil des pages, nous sommes bercés par de la poésie, réveillés par du langage brut, oral limite vulgaire, mais jamais heurtés, ni ennuyés et encore moins indifférents.
Tout tourne autour de la mort… thème sensible, dur… si bien abordé par un style agréable, aérien, subtil. De sourire en surprise, je crois que je n’ai jamais deviné l’épilogue. Chapeau bas!
« Et si c’était comme ça la vraie vie, une chaîne de l’amitié. La deuxième vie, la définitive, serait ainsi. Elle nous ferait rencontrer uniquement des personnes que nous avons aimées et réciproquement. La première, étant une sorte d’écrémage, un examen de passage, un voyage vers un Ellis Island plus sélectif encore. Une espèce de purgatoire nous permettant malgré nous de procéder à une présélection. »
Je ne ferai pas de classement, ni ne recommanderai l’une ou l’autre : elles sont toutes passionnantes. Elles tournent toutes autour de ce fameux ticket pour le paradis.
Double cerise sur le gâteau: les illustrations de chaque nouvelle par Nathalie Odoul et la postface de François Darnaudet. Utile, complémentaire, parfaite alliance avec les textes de Guy.
« Pourtant, le temps s’écoule à la même vitesse pour tous. Mais comment nous comporterons-nous au Paradis? Merci mon Dieu. »
Je ne suis pourtant pas fan de littérature fantastique, mais en prenant un peu de recul, en s’interrogeant en profondeur, le fantastique c’est peut-être cela la réalité … peut-être sommes-nous enfermés, cloisonnés… Comme m’a écrit Catherine hier, « nous sommes dans la caverne, nous avons peut-être et probablement seulement une vision tronquée de l’univers qui nous entoure. » Vaste débat… beau sujet de discussion n’est ce pas? Chacun a sa propre vision que nous pouvons élargir par la réflexion et l’ouverture, ou la brider par bêtise.
Le fantastique, je ne sais si c’est la réalité, mais c’est le rêve donc c’est utile… mais également l’utopie pour laquelle il faut raison garder.
La conclusion s’impose: lisez-le.
4/5