
Dans la chambre 308
Violaine Bérot installe son décor dans une chambre d’hôpital, huis clos réduit à l’essentiel. Greg, jeune homme lassé de lutter, choisit de refuser l’acharnement thérapeutique pour profiter pleinement des six derniers mois de sa vie. À ses côtés, Alphonse, vieil homme désabusé mais attachant, partage avec lui la tendre gravité de l’attente, au milieu d’une ronde de soignants, proches et anonymes dont les voix s’entrelacent.
« Ici, dans ce petit hôpital, il a compris que non il ne mourrait pas. Son heure n’était pas encore venue. Ici il a réalisé que c’en était terminé de l’inutile agonie, qu’il retournait du côté des vivants. »
Une polyphonie du quotidien
La force de ce court roman tient à la multiplicité des voix : patients, soignants, agent d’entretien, amis fidèles. Chacun occupe la scène, le temps d’un monologue intérieur ou d’une sensation furtive, donnant ainsi à la maladie, à la solidarité, à la fatigue ou à la pudeur le droit de s’incarner. Violaine Bérot laisse respirer les silences ; ses phrases dégagent une modestie qui invite le lecteur à rejoindre, en toute humilité, la ronde des vivants et leurs oscillations d’émotions. Elle fait néanmoins passer des messages : la fin de vie, l’inhumanité des hôpitaux, le manque de personnel et de moyens…
« Il ne peut pas savoir que ce qui a aidé Alphonse à quitter son lit, à attraper sa canne, à porter jusqu’à la table le repas, lentement, en plusieurs allers-retours, c’est le souffle d’une petite fille de sept ans qui ne perd jamais des yeux son papa. »
Épure stylistique
L’autrice déploie une langue ciselée, nerveuse, presque sèche, qui sait pourtant laisser affleurer une chaleur authentique. Peu de descriptions, des phrases brèves, un rythme syncopé au plus proche du souffle des personnages, du filet de voix de Greg. L’émotion ne jaillit pas, elle se diffuse par touches discrètes : un geste, une plaisanterie, une cigarette partagée, un regard échangé devant la fenêtre ouverte sur la vie, paradoxalement plus présente que la mort dans ce récit.
« C’est ce qu’il adore chez Paul : son indécrottable côté joyeux luron. Paul a raison : une clope et le soleil, que rêver de mieux pour entamer sa nouvelle vie ? »
Des choix qui diviseront
La sobriété fait la beauté de ce texte, mais elle peut aussi déranger : certains lecteurs resteront peut-être à distance de la mosaïque de voix fragmentées, de l’absence d’intrigue continue. Certains y verront une justesse bouleversante, d’autres une fragilité qui les maintiendra en retrait.
« Une phrase lui vient. Il ne sait pas pourquoi mais il a besoin de dire cette phrase-là, et seulement celle-là. À l’homme du lit d’à côté qui a fini son discours et attend une réaction, Alphonse répond « l’important c’est que jusqu’au bout ta vie soit belle ». Il n’explique pas davantage, il n’ajoute rien. Trop de choses remontent. Il préfère fermer les yeux, le vieil Alphonse. »
Avec du côté des vivants, Violaine Bérot signe une texte bouleversant de tendresse lucide et de profonde humanité. Un roman qui, loin de larmoyer, invite à croire à la chaleur du lien, à la possibilité d’un instant de grâce, et à entendre la vibration obstinée des vivants.
Du côté des vivants est publié aux éditions Buchet Chastel.


