Héloïse Guay de Bellissen fait partie des premiers auteurs que j’ai chroniqués ici en Septembre 2015. A l’époque, je participais aux Explorateurs de la rentrée littéraire avec Lecteurs.com et j’avais eu la chance de me délecter des enfants de choeur de l’Amérique, un excellent roman. Depuis, je n’ai pas raté un seul livre de l’auteur.
C’est donc avec joie et impatience que j’attendais la sortie de Parce que les tatouages sont notre histoire son dernier opus publié début Janvier aux éditions Robert Laffont. Surtout qu’Héloïse est mariée à un tatoueur et son propre corps est couvert de tatouages. J’étais donc curieux de voir comment elle allait en parler.
« Le corps, un livre non écrit mais qui ne demande que ça. L’écriture c’est une histoire intérieure imprimée. En nous, elle mord et se défend de le faire. Elle marque, cogne, gifle, parfois caresse. Une épitaphe joyeuse inscrite en dedans à qui on donne la vie, qu’on sort de la tombe. Ecriture et tatouage ensemble: des gestes premiers et indélébiles, qui réveillent des peaux qui avaient cessé de vivre. Le tatoué et le regardeur, l’écrivain et le lecteur. Se faire dessiner le corps, c’est muter et devenir un personnage, se « fictionner » «
Les premières phrases de l’introduction nous mettent d’emblée dans le bain et donnent l’ambiance. C’est beau, c’est poétique, c’est fluide, c’est mélodieux, ça incite réellement à découvrir et dévorer une nouvelle fois avec gourmandise chaque page. J’ai retrouvé illico le style caractéristique de l’écrivaine: ça caresse et ça pique, c’est doux et c’est « tranchant » (j’allais dire brutal voire animal). La suite sera assurément intéressante.
Que vous soyez expert ou novice, grand fan ou pourfendeur, vous aimerez ce mélange d’anecdotes réelles, de légendes historiques et de voix différentes. Surprenant au premier abord de faire parler le corps marqué, la fille-livre, la cicatrice, la peau… et pourtant une belle trouvaille, une belle réussite qui m’a beaucoup plu.
Tous les chapitres sont construits autour de la même structure: il démarre par la narration d’un élément du corps, puis évoque un souvenir dans le salon de son mari avant de conclure par une légende aux époques et lieux diverses. Tout est lié, tout est complémentaire. En lisant le titre du chapitre, vous savez ce que vous allez trouver. Cependant, la surprise est toujours présente tant la première partie est intense. Emouvante ou douloureuse, sérieuse ou ironique, elle ne laisse jamais indifférent. De même, comment ne pas être touché par les scènes « réellement vues »: comiques, intrigantes, bouleversantes, émouvantes… mais jamais insignifiantes ou banales.
« En nous se joue tous les jours une pièce de théâtre dont nous ne faisons pas partie mais qui pourtant nous fait tenir debout. Des cellules meurent et d’autres naissent. Des maladies s’installent et sont combattues. Le sang se régénère, circule, obstrue les artères, passe sous silence des cris d’alerte. Tout est comme ça, l’univers, les saisons, la nature et les tatouages aussi. C’est une vie dans la vie. Et pourtant certains pensent cet acte comme un désir de souffrance, d’ailleurs ils regardent votre bras ou votre omoplate et font une moue de douleur. Jamais le tatouage n’est un acte de mort, c’est un acte de vie puissant, qui passe par la blessure. Les tatouages nous rendent plus visibles à nous-mêmes et aux autres, mais aussi voyants sur notre condition et sur qui nous sommes ».
Cette deuxième citation est éclairante sur le message du recueil: quelle est la signification, la portée de cette marque corporelle indélébile?
Là encore, chacun a sa propre raison mais ce qui est certain c’est que c’est assumé, voulu, c’est un acte de vie comme l’écrit Héloïse. Qu’on inscrive le nom de ses enfants, un événement marquant, qu’on s’en serve d’affranchissement ou d’extériorisation, voire d’exorcisation, il y a toujours une signification pour lequel le tatoueur est l’exécuteur maestro. Geste ancestral, geste moderne, le tatouage a traversé les siècles.
Parce que nos tatouages sont notre histoire… ils nous racontent, résument un moment de nos vies.
C’est court… trop court… mais c’est un beau voyage à travers le temps, le monde, la vie…et soi au final tant tout cela est et demeure personnel.
Léger et beau, fort et intense mais aussi sombre et douloureux, mystérieux, j’ai traversé de multiples sensations mais ai vécu un excellent moment de lecture. Je ne peux que vous inciter à vous procurer Parce que les tatouages sont notre histoire. Merci Héloïse!
4/5