Sigló – Ragnar Jónasson

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Siglo Ragnar Jonasson
Edition la Martinière

Sigló est le nouveau roman policier de Ragnar Jónasson, écrit en avant-première mondiale pour remercier son public français. Avec plus d’un million de lecteurs, la France occupe en effet la première place parmi les trente pays où est traduit l’auteur des enquêtes de Siglufjördur (Snjór, Nátt, Sótt, Vík, Mörk). La traduction de l’islandais est assurée par Jean-Christophe Salaün.

J’ai eu l’opportunité grâce à l’opération Masse Critique de Babelio de retrouver Ari Thór, l’inspecteur de la police locale et de l’accompagner durant sa nouvelle enquête, déjà la 6ème.

Je remercie les éditions La Martinière Noir et Babelio pour l’envoi du livre et leur confiance.  


« La ville de Siglufjördur
 , qui lui avait au premier abord semblé si inhospitalière, avait énormément changé depuis qu’il y avait emménagé sept ans auparavant. Le premier hiver, quand la neige tombait sans relâche et qu’Ari avait failli jeter les armes face à l’obscurité et à l’isolement, la seule route qui menait au fjord passait par le tunnel Stakagöng, souvent condamné à cause des intempéries. Depuis, un nouveau tunnel avait ouvert ; il semblait désormais moins probable que la ville se retrouve coupée du monde. L’accès facilité avait permis un flux croissant de voyageurs, et le vieux port avait pris des airs de centre historique, où s’alignaient restaurants et cafés aux devantures colorées, et, depuis peu, un grand hôtel. »

Pâques

Alors qu’il se réjouit de passer les fêtes de Pâques avec son fils Stefnir et sa mère Kristin venus spécialement de Suède pour quelques jours, Ari Thór Arason, l’inspecteur de la police locale de Siglufjördur reçoit un appel bouleversant : « un passant a trouvé une jeune fille dans la rue, elle semble morte. »

La vie à Sigló, petit port de pêche au nord de l’Islande, est paisible. De nombreux islandais profitent des hautes montagnes enneigées pour venir faire du ski en cette période sacrée de Pâques. Un meurtre est par conséquent aussi improbable que peu plausible.

Et pourtant, Unnur, jeune fille douée, sans histoire et plutôt solitaire, a perdu la vie. Tout laisse à penser qu’elle s’être suicidée en sautant ? tombant ? étant poussée ? d’un balcon en pleine nuit.

Le lendemain, alors qu’il espère une enquête brève et sans anicroche, Ari est appelé à la maison de retraite par Ugla, une de ces anciennes compagnes. Un patient atteint d’une maladie dégénérative a inscrit sur le mur « Elle a été assassinée ».

Adieu la routine, bonjour les complications pour notre célèbre inspecteur.


« Il ne supportait pas l’idée qu’une pièce du puzzle ait été mal placée, qu’il ait laissé passer un détail. »

De surprise en surprise

Que sait le vieil homme ? À quoi fait-il allusion ? Pourquoi Ari a la sensation qu’on lui cache des choses ? Si tout le monde se connaît dans cette bourgade, chacun a également son petit secret… ingrédient indispensable pour une ambiance parfaite et faire tout le charme de l’enquête. Que cela soit l’historien Bjarki, Salvor la mère de Unnur, Hersir et Rosa, les propriétaires de la maison de retraite, tous auront un rôle important dans l’ouvrage.

Pour pimenter le tout, la météo se joint à la partie. Une importante tempête de neige est annoncée dans les prochains jours et laisse augurer de nouvelles coupures électriques.

Chaque protagoniste devient au fil des pages un potentiel suspect. Plus on avance dans Sigló, plus les mystères sont foisons, plus le cerveau d’Ari est en ébullition.

Pour autant, ce n’est pas noir, ce n’est pas terrible ni horrible. Il s’agit d’une enquête riche en événements et questions, mais somme toute classique et efficace. Point de sang, de meurtres en masse, d’assassinats sordides ou autre empoisonnement bactériologique.

La plume fluide et délicate, les nombreux dialogues, les personnages attachants, les alternances entre les avancées de l’enquête et la vie d’Ari contribuent à rendre cette lecture agréable.

Pas de prise de tête, le lecteur profite d’un petit moment hors du temps, dans le froid et la neige islandaise de Sigló.  


« […], mais une fois la graine du doute plantée, difficile de s’en débarrasser. »

Travail et vie privée


Autre point intéressant de Sigló : l’équilibre vie privée et vie professionnelle. Il n’est pas toujours aisé de concilier les deux. Quelle place accorder au travail face à la famille ? Qui privilégier sans prendre de risques ou aller jusqu’à un point de non-retour ?

Dans les précédents épisodes, nous avions affaire à un Ari peu sûr de lui, doutant énormément et souffrant de récurrentes crises d’angoisse. Il vit aujourd’hui seul, ne voit que très peu son fils et dirige le poste de police avec l’aide du jeune Ogmundur. Il semble avoir trouvé un nouvel équilibre, accepter Siglufjördur et s’habituer à sa routine quotidienne.  Même si forcément il se pose toujours la question de sa légitimité en ce lieu.

Les retrouvailles avec son fils, ces moments doux à ses côtés m’ont plu et ému. L’auteur parvient particulièrement bien à faire passer cette sensation d’amour inconditionnel, de tendresse d’un jeune père envers son fils. La compréhension de son ex-compagne, l’ambivalence de son comportement sont également finement intégrées.

De même, le personnage de Ugla est un parfait trait d’union entre les deux aspects. Professionnellement, elle contribue à faire avancer l’enquête. Personnellement, elle ouvre peut-être de nouveaux horizons pour Ari. Là encore, Ragnar Jonasson trouve les mots justes, le rythme approprié et les endroits idoines pour ne pas perdre son lecteur tout en multipliant les sujets abordés.

« Il avait mis du cœur dans sa lecture, l’avait peut-être encore plus savourée que le petit. Cet instant partagé avait quelque chose de symbolique, il représentait en quelque sorte tous les souvenirs qui ne prendraient jamais forme, tous ces jours qu’il allait manquer dans l’éducation de son fils. »

Ce fut un plaisir pour moi de retrouver une sixième fois Ari Thór et ses investigations de la série des enquêtes de Siglufjördur. La dernière en date, Sigló, est une belle réussite et je ne peux que vous la recommander. Tout est à l’image de l’inspecteur de police : discret, charmant, différent. Elle se lit facilement et rapidement (une grosse journée si vous avez du temps devant vous). C’est simple mais pas simpliste, sans superflu ni incohérence et en même temps, le lecteur continue à découvrir Ari. Que demander de plus ?

Hâte de découvrir les prochaines, tant les dernières pages de Sigló laissent entrevoir de beaux et tendres (?) changements dans la vie de notre policier islandais. Vivement le prochain huis clos !

4/5

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