Tant mieux – Amélie Nothomb

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Tant mieux Amélie Nothomb Albin Michel
Tant mieux Amélie Nothomb Albin Michel

Il y a des habitudes incontournables.
Depuis dix ans que je tiens ce blog, elle est au rendez-vous.
Depuis trois ans que je suis libraire, elle est mon plaisir de lecture du début juin.

Un conte salvateur d’une fille pour sa mère

Depuis plus de trente ans, Amélie Nothomb fait sa rentrée mi-août. Après le père, elle-même dans Psychopompe, voici la mère. le cycle intime se poursuit. Alors… qu’en penser ?

« Tant mieux. C’était inexpiable. Tant mieux. Tant mieux ne consistait pas à se voiler la face mais à faire triompher la vie, la vitalité. Tant mieux. »

La légende maternelle

La petite Adrienne, fillette de quatre ans, est confiée à sa grand-mère maternelle, figure cruelle et despotique, digne d’une ogresse sortie des contes noirs. Forcée à avaler des harengs au vinaigre jusqu’au dégoût, humiliée dans son quotidien, elle traverse l’enfance comme un champ de bataille. Amélie Nothomb transforme ces anecdotes familiales, toutes vraies, en scènes symboliques où se lisent à la fois la dureté d’une époque et la violence intime des relations familiales.

Face à ces épreuves, Adrienne se répète en secret une formule : « tant mieux ». Deux mots fragiles mais salvateurs, qui deviennent son rempart contre la cruauté du monde. Ce mantra, presque magique, condense la puissance de la résilience. Il suffit d’un mot pour inverser le sens des choses, pour détourner la souffrance et en faire une ressource intérieure. Clé secrète du livre : quand le langage devient abri et l’imaginaire, talisman.

« Haïr sa famille ne résout rien et ne peut que porter préjudice à soi-même : celui qui hait sa famille, même pour les meilleurs motifs, finira par se haïr. »

La confidence surprise

Plutôt qu’un témoignage direct, Amélie Nothomb choisit la voie de la fiction allégorique. Adrienne devient le double fictionnel de sa mère, plongée dans une Belgique en guerre. le conte brouille volontairement les pistes entre mémoire et imaginaire.

Amélie Nothomb ne se contente pas de narrer : elle prend la parole à la première personne dans la dernière partie. Elle dévoile son projet d’écriture, ses choix de narration, et confie ce que ce portrait déguisé dit de sa mère. Cette bifurcation donne au livre une densité singulière, entre légende familiale et confidence d’autrice.

« Une menteuse qui signale un mensonge n’est plus une menteuse. »

Un puzzle familial recomposé

Avec Tant mieux, Amélie Nothomb poursuit son entreprise de filiation littéraire. Chaque roman récent ajoute une pièce au puzzle : le père, la fille, la mère… jusqu’à ce qu’apparaisse une fresque intime où se jouent les héritages, les blessures et les fidélités secrètes. le conte devient ici un moyen de dire l’indicible, de faire dialoguer mémoire et invention, douleur et humour. Car, malgré la noirceur, l’ironie et la fantaisie ne sont jamais loin – comme un sourire qui sauve.

Roman hybride, Tant mieux est à la fois fable d’enfance, hommage voilé et exercice d’admiration. Sous le masque d’Adrienne, c’est le portrait de sa mère qu’Amélie Nothomb dessine, dans une langue vive, simple et sardonique. On y retrouve son goût pour l’allégorie, pour le grotesque tempéré par la grâce.
On referme ce livre avec la conviction qu’il suffit parfois de deux mots pour repousser la nuit

Tant mieux est publié aux éditions Albin Michel.

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