Banc de brume – Sophie Berger

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Banc de brume Sophie Berger Gallimard
Banc de brume de Sophie Berger aux éditions Gallimard

(En)quête sensible et émouvante

Silence

« Ma soeur ne comprend pas pourquoi je m’acharne à fouiller le passé. Toutes ces archives et ces commérages, qu’est-ce que ça peut bien me faire ? Sa véhémence me surprend. Quoi dire ? La voie d’eau ouverte dans mon corps, devant le marbre de la tombe ? La morsure, au fond du ventre ? La machine en route, dans mon cerveau ? L’impression confuse, qui bat aux tempes, que ce n’est pas seulement vers eux que je me dirige, mais vers moi ? Que ce puits dans lequel notre famille a jeté les mots pour en faire des pierres muettes est peut-être une source ? notre source ? »

2020, la Bretagne, le Guilvinec, « une piqûre qui lance dans un membre fantôme. » Qui étaient Olivier et Yvonne ? Que leur est-il arrivé en ce début d’année 1976 ? Ils venaient de se marier une semaine avant… et ils ont mystérieusement disparu dans un accident d’avion. C’est tout ce que sait Alice, leur nièce, une réalisatrice son. Personne dans la famille n’a jamais évoqué cette disparition.
Faire parler les silences est désormais son métier. Elle plonge donc dans l’inconnu et se lance dans une quête / enquête aussi bouleversante qu’émouvante.

Découverte

« Merci la famille. On ne savait rien, on ne serait pas traumatisés. L’effet gluant finissait par se découvrir sur le tard. Ça collait, on avait un truc coincé entre les dents. À trente-cinq ans, la couche de chocolat vient de finir de fondre. Michoko de la pue qui chante, disait la publicité de mon enfance ; je commence à déchanter moi. »

Avec Etienne, elle recherche, tâtonne, interroge, visite, fouille. Elle tente de recomposer l’histoire, d’assembler les pièces de puzzle. Forcément il y a des fausses pistes et les clins d’œil du destin.
Sophie Berger alterne la réalité et le passé tel qu’elle l’imagine. Ainsi, le lecteur participe, il vit avec Olivier et Yvonne, il est un partenaire d’Alice. Plus les jours passent, plus les silences s’estompent, plus l’émotion est palpable et la tristesse forte. Jusqu’à l’épilogue poignant et profond, où résonnent les paroles de la mère.

Touchant

« Ma mère, elle, n’avait pas d’autre frère ou soeur. Toute la peine qu’elle a dû avoir et la solitude dans laquelle elle s’était retrouvée emmurée. »

Vive la parole libérée, sus aux silences dévastateurs ! Avec une plume qui trahit l’urgence et l’excitation, Sophie Berger parvient brillamment à nous faire sortir du banc de brume familial, explorant avec finesse comment les silences enfouis façonnent les générations. Des phrases courtes, une écriture parfois poétique et régulièrement immersive, un rythme soutenu jusqu’à un épilogue émouvant : Banc de brume est un premier roman réussi, une lecture touchante et marquante.

Deuxième lecture de la session #2025 après Ce que la vie a de plus beau.

Merci aux 68 premières fois pour la découverte.

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