Croire au merveilleux -Christophe Ono-dit-Biot

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Dans le cadre de mon appartenance au Cercle littéraire de la FNAC, j’ai eu la chance de lire en avant-première le dernier ouvrage du journaliste Christophe Ono-dit-Biot, Croire au merveilleux. Ayant beaucoup apprécié Plonger, son précédent ouvrage, il me tardait de retrouver sa plume, si apaisante. Point besoin de vous dire que j’ai replongé avec une joie non dissimulée et que j’en ressors une nouvelle fois conquis.

Je remercie la FNAC et les éditions Gallimard pour l’envoi du livre.

« Et pour la première fois, je pleure sans haine. Les pleurs me lavent de toute la poussière du deuil qui obscurcit mes yeux depuis si longtemps. »

Les deux romans sont étroitement liés et je vous conseille fortement de garder l’ordre de parution. Paz est morte et le chagrin de César est immense. Malgré la présence de son fils Hector, il a décidé d’en finir avec la vie, tant il est inconsolable et ne voit plus d’intérêt à rester. Il décide pour cela d’utiliser un cocktail de médicaments. Mais  rien ne se passera réellement comme il l’avait prévu…

« Dans le coassement des grenouilles qui semblent commenter ma progression, j’affronte le chemin pavé de pierres mangées par les mousses, aidé par la lumière de la lune et des étoiles. Sa joue est chaude sur mon épaule. Je vis un beau martyre »

Quelle beauté, quelle merveille… On nage véritablement dans le bonheur en parcourant les lignes de cet opus. Le style est toujours aussi simple et agréable, l’écriture si fine et poétique, les descriptions magiques, souvent très évocatrices et si visuelles.

« Je l’entends respirer, son corps est bien là. Son parfum règne : des agrumes, du métal comme parfois le sang en a le goût. Je ne sais plus quoi penser. Je ne sais pas qui elle est ; je ne sais plus qui je suis. Ce qu’elle me veut, quasi nue, sur le ventre, les dunes de ses fesses livrées à mes regards, tout juste couvertes, son visage perdu dans sa chevelure qui me rappelle celle, d’un blond chaud, d’une actrice italienne froide et nocturne. »

Il y a les voyages. On parcourt l’Espagne, l’Italie,  la Grèce, ces pays méditerranéens baignés par le soleil, dans lesquels les odeurs sont si caractéristiques et les couleurs si vives. On sent, on voit, on est aux côtés de César.

Il y a les questionnements de Hector à propos de l’absence de sa mère. Cet enfant, si mûr pour son âge, si curieux et moderne. Comment être à la hauteur de son éducation ? Comment faire sans la présence de sa mère ? De nombreuses questions contemporaines (le terrorisme, la religion, les djihadistes, …) sont traitées et cela permet à l’écrivain de faire passer des messages forts (sur la mort, sur l’absence justement…).

« Ça veut dire quoi, « morte » ? demande-t-il alors que nous faisons la queue pour la Cola del Diablo, qui jouxte le Grand Canyon. Ça veut dire que ton corps n’est pas là mais que ton esprit est dans toutes les têtes. Dans toutes les têtes ? Celles des gens qui t’aiment et qui pensent à toi comme si tu étais là. Ça veut dire qu’elle est là ? A partir du moment où on pense à elle, elle est la »

Et puis il y a cette femme, cette Nana, cette jeune étudiante grecque passionnée comme lui par les textes antiques. Elle est si charmante, si tentante mais si mystérieuse.  Qui est-elle vraiment ? Qui est son père ? Sa sœur nymphomane? Pourquoi a-t-elle un tel pouvoir sur César? Sauvera-t-elle notre narrateur ?

« Une lave gonflait dans ma tête, un grand soleil y bondissait. J’avais l’impression toute-puissante d’avoir pris des proportions inhabituelles. Elle bascula. Elle se renversa sur le dos, écarta les jambes et me présenta son corps fendu, le visage toujours dans l’ombre. J’ai une pensée pour ma morte, qui éclata comme une bulle sous le déluge de signaux qui affolaient mes neurotransmetteurs. La culpabilité essayait de mordre, en pure perte. Je me mouvais dans un corps doré et infini, je nageais dans des fluides brûlants et doux. Je n’entendais plus rien que de longs soupirs, au loin, comme de magnifiques chants oubliés. Je n’étais plus moi. J’ai fermé les yeux, […] »

Les échanges sur les textes antiques sont un pur régal ! On redécouvre les vieux textes, les citations, les auteurs… non seulement on voyage, on se zénifie mais on s’instruit. Que demander de plus….

Et que dire de la fin… Je ne vous dévoilerai rien, mais les dernières pages, les dernières lignes… tout simplement majestueux ! Je ne m’attendais absolument pas à un tel dénouement, qui outre le fait d’expliquer la construction et la structuration du roman, m’a totalement bluffé !

« Je voudrais lui parler. Il se tourne vers le soleil et vers la mer qu’il réclamera toujours à la vie. Il lui réclamera aussi qu’elle le surprenne, lui donne des princesses à enlever, et surtout des occasion d’être enlevé, ravi. Dans tous les sens du terme. Toujours. »

Vous avez aimé Plonger ? Vous aimerez et peut-être même encore davantage Croire au merveilleux. Une nouvelle fois, la plume érudit, l’écriture douce et poétique, l’atmosphère tendre et envoûtante m’ont conquis. J’ai ralenti ma lecture afin de la prolonger le plus longtemps possible, la savourer jusqu’à l’ultime ponctuation… tout en étant impatient de connaitre l’issue.

De toute beauté, je ne peux que vous conseiller très fortement ce voyage de reconstruction, cette renaissance, cette parenthèse hors du temps, ce moment de calme avant de retourner dans la tempête de la vie quotidienne. Oui croyons au merveilleux… Merci Christophe !

5/5

5 Commentaires

  1. J’ai découvert l’auteur avec Birmane, j’avais beaucoup aimé. J’ai donc lu Plonger. C’est un très beau roman mais j’ai regretté les effets  » un peu trop ». Parfois, un peu trop de romanesque, un peu trop de « name droping » ( je n’aime pas cet anglicisme mais je ne connais pas d’équivalent concis en français), des personnages un peu trop tranchés.
    Ce qui ne m’a pas donné envie de poursuivre avec ce roman. Si j’en crois les bonnes chroniques, c’est paut-être un tort.

    • Je ne sais pas si c’est un tort. En ce qui me concerne, j’apprécie cet auteur et sa plume. Romanesque certes, un style plutôt simple, des personnages caractéristiques… mais un tout cohérent, une atmosphère envoûtante, de zénitude et un beau voyage.

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